Dans un contexte d'abandon post-Katrina, d'exactions et de crimes racistes impunis, de violence intra-communautaire et de meurtres commis par des policiers, Roberto Minervini accomplit un acte politique fort en accompagnant le quotidien de Judy dans son bar de quartier menacé par la gentrification, de deux jeunes frères Ronaldo et Titus, privés de leur père en prison, et d'un groupe de Black Panthers en lutte pour que justice soit rendue.
Le réalisateur les filme au plus près alors il faut accepter d'entrer de plain-pied dans le cercle intime de ces formidables personnages comme il y parvient lui-même, sans voyeurisme ni misérabilisme, c'est-à-dire au contraire en pleine humanité après avoir construit patiemment une relation de confiance avec eux. En dépit de cette proximité assumée, la caméra ne dérange plus, elle s'invisibilise et filme en continu comme un photographe de guerre ne voudrait pas rater une scène essentielle, référence que l'auteur revendique. Il tourne en noir et blanc, afin d'entretenir ce lien avec le passé, le passé esclavagiste principalement, que le "white power" voudrait relativiser pour mieux en nier l'importance et la prégnance et ainsi faire disparaître la culture des habitants d'origine afro-indienne, une culture de résistance, de lutte, de solidarité et d'arts musicaux et festifs.
Roberto Minervini libère la parole et les larmes de ses personnages à mesure qu'il suit leur combat au quotidien, quitte parfois à prendre des risques mortels en conscience, ainsi il participe pleinement aux émotions, aux événements joyeux ou dramatiques, aux révélations cruelles sur cette ligne si profondément et intensément humaine, la ligne de front.
Rejoignez-le, rejoignez les tous en allant voir ce film.