Après avoir entendu des coups près de leurs terres durant la nuit, deux frères partent enquêter sur les lieux au petit matin. Là-bas, ils découvrent un corps extrêmement mutilé et un mystérieux appareil...
On s'en plaint souvent, surtout avec la prolifération des productions US fatiguées sur le sujet (et Satan sait que 2023 l'a encore prouvé entre une Nonne et un Exorciste revenus d'outre-tombe !), les films de possession représentent un des sous-genres horrifiques les plus difficiles à renouveler tant ils croulent sur le poids de leurs codes éculés et de leurs passages obligés n'impressionnant plus grand monde. Mais, au beau milieu de ce marasme général d'eau bénite, de psaumes hurlés en latin et de contorsions impossibles, arrive parfois une pépite, un coup de génie qui, sans pour autant cracher sur les bases établies, arrive à en détourner les habituelles ritournelles démoniaques pour en proposer une variation originale, surprenante et capable de nous redonner foi au genre. Sorti de nulle part des Enfers pour envahir les écrans de la Terre, "When Evil Lurks" est de cette trempe-là. Ouais, rien que ça.
D'abord, par son parti pris génial de nous immerger dans son contexte par le noyau de ces deux frères confrontés à l'inexplicable pour s'élargir aux protagonistes des alentours puis à tout un monde où le mal est établi, attendant son heure pour abattre sa mâchoire violente sur ses victimes déjà envahies et conscientes de sa présence. À l'inverse, si "When Evil Lurks" semble s'orienter vers la critique générale d'un système qui laisse sa population seule à l'agonie afin de la spoiler de ses biens (un discours familier des productions latino-américaines), c'est pour mieux se tourner se focaliser petit à petit sur les fractures intimes de son personnage principal, au passé de mari et père contaminé par sa propre noirceur et qui désormais appelle perpétuellement d'autres ténèbres littérales.
Dans une atmosphère implacable et réaliste d'un quotidien rural puis notamment d'un passage dément au sein d'une banlieue citadine, Demián Rugna va faire exploser la violence viscérale du mal dans des proportions au moins aussi importantes que le désespoir qui habite son héros, avec une brutalité et une sauvagerie qui renvoient la plupart des démons croisés au cinéma dernièrement à l'état de gentils petits lapineaux attardés. Jamais pris en défaut dans les envolées de l'effroyable tension qui nous oblige à rester dans un état d'affût permanent, le réalisateur-scénariste construit un univers fantastique toujours plus prenant, emporté dans une spirale d'horreur incessante qui ne nous laisse jamais le temps de souffler (sinon pour en apprendre toujours plus sur ses règles, ses personnages, etc) et se dévoilant comme un puzzle dont les morceaux font brillamment refaire surface à la détresse infinie de ce père mis au ban de sa propre condition.
On reste scotché par tant d'intelligence, devant cette faculté à ne jamais perdre de vue le coeur émotionnel dévasté de l'intime transformé ici en la sauvagerie la plus graphique, que rien ne semble être en mesure d'arrêter dans une espèce de boucle scénaristique globale savamment orchestrée.
Oui, le mal rôde définitivement dans "When Evil Lurks" et, au-delà de ses représentations carnassières les plus explicites, celle qui émane de la culpabilité humaine en est la plus terrible.
LE film d'horreur incontournable de 2023, clairement.