Pour une fois, je vais commencer par la fin. Non non, pas de spoil, je vous rassure.
Pourquoi ? Parce que la fin justifie ma note très élevée. Cette dernière sous-entend que Whiplash est proche du chef d’oeuvre absolu. Ce n’est pas le cas.
Mais alors pourquoi mettre 9, bougre d’âne ? Premièrement, merci de rester poli. Deuxièmement, oui, je me parle tout seul, cela permet de mettre un peu de suspens dans le quotidien. Troisièmement, parce qu’il faut parfois savoir juger un film pas seulement sur des critères “objectifs” et analytiques. La scène de fin m’a littéralement coupé la respiration. J’étais suspendu à ce moment, subjugué. Je ressentais la tension dans toute ma chair. Les coups de baguettes donnaient le tempo (ET CE N’EST PAS MON TEMPO) de mon rythme cardiaque. Le générique de fin fut presque un soulagement. J’ai vu peu de films qui ont réussi à me faire ça.
La façon de faire de Damien Chazelle n’y est pas pour rien
Pour rendre compte des émotions que je ressentais pendant mes années en tant que batteur, je voulais filmer chaque concert comme s’il s’agissait d’une question de vie ou de mort, une course-poursuite ou disons un braquage de banque.
Maintenant, nous pouvons rembobiner.
Ce qui m’a attiré tout d’abord, c’est la lumière et les couleurs du film. Il y a une esthétique rare dans la manière de filmer de Damien Chazelle. J’ai beaucoup aimé la façon dont il filme les instruments de musique. Au delà de l’objet esthétique, il y a dans les plans un respect et un amour des instruments.
Cetains moments, dans le jeu comme dans la mise en scène, restent très classiques mais des moments de génie font oublier le reste. Le plan de la main dans le seau de glace est une pure merveille, par exemple.
Et bien entendu, il y a le jeu d’acteurs. Tout d’abord, j’ai aimé cette façon de filmer les visages. Avec la même minutie que pour les instruments. L’échange humain n’en est que plus juste.
Malgré l’excellent performance de Miles Teller, faite de douleur et de sang, elle n’arrive pas à éclipser celle de J.K. Simmons. Un personnage qui m’a rappelé le sergent instructeur dans Full Metal Jacket.
Damien Chazelle me rassure dans mon pressentiment :
Avec Whiplash, je voulais réaliser un film qui ressemble à un film de guerre ou de gangsters – un film dans lequel les instruments de musique remplacent les armes à feu et où l’action ne se déroule pas sur un champ de bataille, mais dans une salle de répétition ou sur une scène de concert.
J’ai eu toutefois très peur que Wiplash ne soit qu’une énième variante de l’élève qui surpasse le maître. Le film a su me surprendre à plusieurs reprises, tant dans ses personnages que dans ses rebondissements. Ouf.
Quand au fond, il se résume à l’anecdote de Charlie Parker, le futur « Bird », et du lancer de cymbale de Jo Jones. A force d’être répété plusieurs fois, oui, on a compris que c’était le fond de l’histoire. Et au regard de la fin, on y revient, j’en viens à me demander qui de l’élève ou du maître a vraiment gagné ? Le résultat justifie-t-il les souffrances ? Il y a là manière à creuser, à débattre. Mais au final, je m’en moque bien, car j’ai plus ressenti ce film que je ne l’ai réfléchi.