S’il est globalement de belle tenue, il manque toutefois un petit quelque chose à White Bird pour se faire plus marquant. Un éclair d’inspiration dans sa mise en scène, une narration moins fonctionnelle ou encore une révélation finale moins cavalière par exemple. Mais en l’état, Araki signe néanmoins un portrait d’adolescent très touchant qui porte, en filigrane, sa marque. Celle d’un amoureux des corps dont les images sont motivées de façon obsessionnelle par les interactions qui les font exister.
A travers les yeux de la troublante Shailene Woodley, si le cinéaste semble, en surface, décaper la famille hollywoodienne de façade, c’est bien la quête d’identité qui sévit au moment de l’adolescence qui l’intéresse avant tout. Une recherche de soi qui prend la forme d’un mystère plus difficile à résoudre lorsque les repères parentaux défient les lois de la stabilité.
On retrouve dans white bird la facilité qu’a Araki à diriger ses acteurs, à les emmener où il le souhaite. La prestation taillée à la serpe d’Eva Green mise à part (en même temps, si elle était bonne actrice, ça se saurait), chaque acteur trouve une belle place dans ce simili thriller social qui flirte avec la poésie. Shailene Woodley se livre sans retenue, Araki saisit sa plastique avantageuse au vol et met la belle en valeur dès qu’il le peut, qu’il lui faille ou non, dévêtir cette dernière. Quant à Elliot l’incorruptible (Christopher Meloni), il parvient à trouver une belle mesure dans un rôle peu évident et surtout très différent de ceux qu’il endosse généralement.
Filmé avec soin, porté par une bande son entêtante, White Bird est un film un peu à part dans la filmographie de Greg Araki. La verve revendicatrice de l’auteur y est presque totalement absente, il n’y a bien que les deux amis un peu marginaux de la jolie Kat’ qui rappellent son univers. Après l’halluciné Kaboom, il renoue avec la nuance qu’il avait expérimentée à la perfection dans Mysterious Skin, sans toutefois parvenir à renouveler l’excellence.
Il faut donc se contenter d’un drame incomplet, intéressant dans ses grandes lignes, rendu touchant par la justesse de ses interprètes, mais qui manque d’un peu de percussion, d’un soupçon de créativité (on parle bien d’Araki, c’est étonnant) pour décoller. Comme si l’enfant terrible de la trilogie de l'apocalypse adolescente avait en partie perdu son indomptable feu intérieur, qu’il essayait de tempérer une seconde fois. Espérons que ce ne sera que temporaire, et que cette respiration de 90 minutes, agréable en soi, mais un peu paresseuse, aura pour effet de raviver le brasier qui guide habituellement ses objectifs.