Belle surprise que cette reformulation moins glamour de la belle et le clochard en version live qui ne manque décidément pas de mordant. Une forte inspiration puisée des meilleurs Walt Disney émane de la proposition de Kornél Mundruczó ; elle s’exprime notamment dans sa manière de filmer les cabots qui vocifèrent devant ses lentilles ainsi que dans son obsession pour leurs yeux globuleux, sphères en mouvement permanent où se nichent leurs émotions.

Mais attention à toi petit être sensible, contrairement aux dessins animés de ta jeunesse qui jouent dans la cour du rire et des bons sentiments, White God tient davantage du drame. Son script assassin ne fait pas de quartier et risque d’être synonyme de sale quart d’heure pour tous les amoureux de nos 30 millions d’ami. En effet, si toute la première partie du film se fait le tendre écho d’une relation privilégiée entre une jeune fille et son toutou, les cartes sont rapidement redistribuées, Kornél Mundruczó n’hésitant pas à transbahuter son cabot héroïque de la laisse aimante de sa maîtresse trompettiste à un chenil musclé qui le transforme en machine à dégommer les carotides.

Véritable OFNI sur pattes, White God cingle la rétine comme la petite originalité inattendue de l’année 2014. Une proposition honnête et généreuse, qui souffre peut être de son singularisme, dans le sens où Kornél Mundruczó est bien conscient qu’il propose quelque chose de très original et s’efforce en parallèle de tempérer sa sale vie de chien par un drame adolescent dans la plus pure tradition, histoire de maintenir les spectateurs les plus pragmatiques sur les rails d’un réalisme rassurant. Mais c’est une fausse bonne idée, puisque cette storyline parallèle, même si elle permet de construire le personnage de la jeune Lily, s’exprime à coup de clichés pompeux noyés dans une salve de traumas plus ou moins réussis, qui se résorbent comme par magie quand les larmes du boucher se mettent à couler et que son cœur s’ouvre en plein commissariat.

Cela étant dit, en ces temps moroses où les propositions originales se font rares en salle, un film de la trempe de White God fait du bien tant il rappelle que l’intention de se détourner des chemins trop balisés est encore celle de cinéastes bien décidés à expérimenter. Kornél Mundruczó relève le défi avec brio et s’il pêche en diluant son point de vue canin d’une trop forte présence humaine, c’est seulement par crainte d’aller trop loin. Ne lui en tenons donc pas rigueur, il y a une audace prodigieuse dans son film, ainsi qu’un coup d’œil très personnel ; espérons qu’il gardera ce cap pour la suite, et que ses prochains films trouveront à nouveau le chemin de nos salles.
oso
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le 6 janv. 2015

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