Traumatismes contemporains désamorcés
Tiens, Roland Emmerich sort un nouveau film. L'histoire d'un homme qui doit affronter une situation extraordinaire tout en/pour retrouver un lien perdu avec son enfant. Punchline scénaristique identique depuis bien des films, du Patriot à 2012.
Apres le frêle antihéros incarné par John Cusack, retour à la virilité contrariée avec Channing Tatum (ou Tateum, selon la prononciation). Digression phonétique que nous nous permettons au vu de ce délirant objet qu'est White House Down. On pensait que détruire le monde suffirait à calmer la furie cataclysmique d'Emmerich. Et pourtant, le cinéaste remet ça, et va même plus loin en se donnant à coeur joie de bousiller pierre par pierre le symbole même de la surpuissance politique Américaine, la Maison Blanche, écrasée par un ouragan pyrotechnique pourtant improbable. L’improbabilité va des ficelles scénaristiques bidons aux effets spéciaux ringards en comparaison des derniers cris technologiques Hollywoodiens.
Il serait en revanche bien malheureux et ingrat de mettre Emmerich dans le même panier esthétique que Michael Bay. Certes, les deux sont adeptes d'un cinéma de destruction massive qu'ils orchestrent comme des enfants prodiges. Mais là où Michael Bay excède dans l'esthétique colorée et la fluidité dramatique et stylistique, Emmerich, au contraire, brille par son choix d'une photographie plus sobre, et de manière générale, par des mouvements moins virtuoses, parfois chaotiques et des images terriblement agressives pour la rétine. Mais ses plans vont droit au but, au risque parfois de surcharger le spectateur en informations visuelles. Du moins, c'est ce que l'on pensait, avec son écologique Jour d'après ou apocalyptique 2012. Certes, Emmerich reste un patriote Américain de la première heure (étrange, tout de même, lui qui est Allemand), un opportuniste socio-politique lourdingue (Président noir, conflit au Moyen Orient), et un adepte du scénario minimal.
Mais quelque chose a changé. Ou du moins évolué. Il semble bien lointain l’exaspérant premier degré d'Independance Day (mais non dénué d'humour tout de même). Même le scénario n'est plus si minimal que cela: vaste complot politique, certes simplifié, mais au sous-texte finalement plus piquant et autocritique qu'il n'y parait. On ne peux résumer cette histoire à un "John MacLane", le type au mauvais endroit au mauvais moment. Car le personnage principal cherche les embêtements. Pour le plaisir du pur spectacle, du délirant spectacle. Les ficelles scénaristiques, aussi complexifiées qu'elles se présentent, sont quasiment toutes superficielles ou sans intérêts. Exemple, vers la fin du film, le terroriste demande au président Jamie "Obama" fox d'ouvrir la mallette nucléaire, en le menaçant de tuer la fille du personnage incarné par Tatum. Suspens superflu puisque quelques minutes après, le terroriste attrape la main du président, et la presse contre le capteur d'empreintes digitales, par la force, qui permet d'ouvrir ladite mallette. Les contretemps inutiles frôlent même le délire, un délire que met joyeusement en scène Emmerich, d'humeur taquine et festive. Par exemple, au lieu d'exploiter internet et les médias, comme ses contemporains, à des fins d'authenticités et de gravités propres aux tensions cinématographiques qui hantent Hollywood (et nous pensions y passer par le blog de la fille de Tatum, qui filme les terroriste), le cinéaste désamorce immédiatement tout risque d’émergence d'un quelconque traumatisme par le détournement parodique. Une savoureuse scène nous montre en effet un hélicoptère de la presse entrain de filmer, au dessus de la maison blanche, la limousine présidentielle effectuant des « drifts »dans le parc, avant d’apercevoir le président en personne avec des baskets « Jordan » et équipé d'un lance roquette, pour repousser une attaque terroriste. Le 11 septembre est encore là, mais il commence à s’éloigner, par la force de l'humour. Alors peu importe si les effets spéciaux sont vieillots, c'est peut être un mal nécessaire pour le retour d'un cinéma d'action surpuissant et sûr de lui. Même le profond malaise de l'identification paternelle- la fille de Tatum voyant en ce président un modèle; le père biologique n'ayant pas d'autres choix, comble de l'ironie, que d'exister aux yeux de sa fille en protégeant ce président -, ce malaise, donc, est effacé sous ce florilège de loufoqueries fourmillant de détails. Des détails caractériels pour les personnages. Car, et c'est une qualité suffisamment rare pour être soulignée, tous les rôles, sans exceptions, même secondaires, ont été développés avec des traits de caractère propre. Et le délire va de l'excessivement sérieux chef d’état major au trop appliqué guide de la Maison Blanche, fanatique du respect pour le patrimoine de ce lieu historique, en passant par le terroriste qui a failli faire exploser Apple car "mécontent de sa politique de diffusion musicale". En se décomplexant de son lourd passé politique, et en orchestrant ce joyeux bazar délirant et gentiment fou-fou, oscillant entre gravité et profond ridicule, et allant encore plus loin dans la destruction irrationnelle et grand guignolesque, Emmerich nous offre un film d'action étonnamment plaisant, bon enfant, mais vivifiant, et signe peut être là son chef d'oeuvre du genre