En 2022, côté biopic musical, il y eut Elvis et Whitney Houston.
En juin, Baz Luhrmann avait compris que pour intéresser son public, il fallait sortir le genre de ses passages obligés et de ses tropes. Elvis misait donc sur le changement de focale et épousait la vision du mythe via son impresario véreux, inscrivant le King dans une relation toxique et comme un témoin de son temps.
En décembre, Kasi Lemmons, dont le plus haut fait d'armes aura été d'apparaître en amie de Virginia Madsen dans le seul et unique Candyman, celui de Bernard Rose, choisit de ne pas changer une virgule dans la formule jugée gagnante de la biographie consensuelle.
Une position qui s'affirme dès le scénario, exactement le même dans sa structure que celui de Bohemian Rhapsody... Et avec le même auteur.
Le masqué serait hypocrite de ne pas reconnaître qu'il a passé un bon moment devant le film : les tubes de Whitney Houston n'y sont sans doute pas étrangers, tout comme la présence de la jolie Naomi Ackie dans la peau de la star et qui épouse son charme, et ce même si la ressemblance est loin d'être frappante.
Et puis, I Wanna Dance with Somebody a le mérite de rappeler quelques facettes de la star, comme sa bisexualité, qui a été cachée pour ne pas ternir sa réputation de petite fille sage fiancée de l'Amérique, ou encore les critiques que l'artiste a essuyées sur le fait de ne pas être assez noire et de s'être vendue aux yeux de sa communauté. Soit deux axes qui résonnent d'une drôle de manière aujourd'hui.
Enfin, le film joue sur la compassion que la destinée brisée de Whitney Houston suscite.
Mais à côté de cela, on sent bien que l'oeuvre s'interdit tout simplement d'affronter sans détour les côtés sombres de la vie privée de celle qu'on surnommait The Voice, histoire de ne pas écorner son image aux yeux du public. Jusqu'à constater que les démons, finalement, resteront bien sagement à la porte de la salle.
Ces derniers seront donc à peine suggérés furtivement, comme s'il était interdit d'envisager frontalement sur l'écran la conséquence des addictions, les violences conjugales d'un mauvais génie, les multiples cures de désintoxication et la déchéance bien réelle et tout aussi douloureuse de Whitney Houston.
Kasi Lemmons privilégie donc la musique, la révélation du talent, la relation quasi filiale avec son manager, ou encore l'ascension fulgurante de la machine à tubes qu'elle met en scène, rappelant souvent ses records dans les charts et dans les cérémonies de remise de prix.
Ainsi, malheureusement, si I Wanna Dance with Somebody réussit à encapsuler la fougue de la chanteuse et ses émotions derrière le micro, l'oeuvre ne dépassera jamais le statut de la biographie lisse qui évite les aspérités et les contradictions de sa star comme la peste.
Tandis que le ressenti, à la sortie de la salle, dépendra grandement de votre affinité avec les chansons de Whitney.
Behind_the_Mask, qui ne fait pas que chanter dans son bain.