" I'de rather be a hammer than a nail "
Mention : Tout simplement bon
Le parcours initiatique que trace Wild n'a absolument rien d'original. Un sentier que tout le monde connait et que beaucoup ont déjà emprunté. Cette quête de soi à travers un retour aux sources est un sujet assez usé, et souvent traité de manière plutôt pompeuse. Mais le chemin emprunté par Jean-Marc Vallée reste parfaitement intimiste.
Le récit n'impose aucune morale, il se contente de nous faire suivre l'introspection de Cheryl Strayed. Le film est basé sur la biographie de cette dernière et reconstitue avec une authenticité flagrante le périple original. L'aventure a quelque chose de singulier mais aussi une part d'universel. L'une des grandes réussites de Wild est de ne pas trop appuyer ce que le récit a d'atypique. Le rôle chaussé par Reese Witherspoon s'avère sacrément tourmenté. En alternant entre la fuite présente et le ressassement des souvenirs passés, le montage dévoile assez subtilement l'histoire de vie intrigante de Cheryl Strayed. Néanmoins, les flashbacks sont pas toujours amenés avec finesse. Les transitions finissent par être grossières. Cela dit, le film reste captivant grâce à cette double narration et son interprète principale.
Reese Witherspoon porte très haut ce projet. En premier lieu car elle est productrice de Wild et qu'elle s'y est beaucoup investie. Ensuite parce qu'en tant qu'actrice elle relève très bien ce défi de "seul en scène". Le travail sur l'évolution de son personnage à travers le temps est saisissant. Le changement de ton entre l'enfant prodigue, la jeune fille à la dérive et la femme en phase de reconstruction est une vraie performance. Petite remarque plus anecdotique, le rajeunissement est très convaincant et les différents passages temporels sont clairement marqués. Reese Witherspoon signe plus qu'un vrai retour au premier plan, huit ans après son excellente prestation en June Carter dans Walk the Line, et quelques mois avant de retrouver Joaquin Phoenix dans le très attendu Inherent Vice de Paul Thomas Anderson. Pour autant le film repose moins sur ses épaules que son sac à dos, et qu'il le devrait.
Parmi les trois stades de vie qu'elle se retrouve à jouer, c'est dans le périple qu'elle a le plus de présence. En ado maligne autant que quand elle se retrouve désaxée, son rôle reste plutôt léger, presque inconsistant. En revanche elle mène sa galère avec drôlerie et spontanéïté. Ecrasée par son sac comme par le poids de son passé, Reese Witherspoon apporte une chouette légèreté à cette aventure plutôt qu'une trop lourde psychanalyse. Son personnage ne traverse pas sans mal cette épreuve et c'est souvent très cocasse de la voir se débattre dans cette galère. Cheryl Strayed déleste progressivement son fardeau à dos autant que son esprit embrumé.
Tout cela dit, on peut malgré tout faire le constat qu'il s'agit moins d'un performance-movie qu'attendu. Encore une fois, Reese Witherspoon est impeccable, mais pourrait offrir bien plus. Wild effleure parfaitement la question de la solitude sans malheureusement l'approfondir suffisamment. Les moments d'errance solitaire sont globalement tous très réussis mais trop courts. Le film, et le récit en particuliers, aurait pu s'appuyer essentiellement sur l'introspection de Cheryl Strayed et les qualités d'interprète de Reese Witherspoon. C'est notamment vrai sur une des toutes dernières scènes où elle finit par poser genoux à terre. Son dos est quand bien moins expressif que son visage. La corde sensible pouvait ici être d'avantage tirée. Les scènes d'interaction son pas toujours indispensables et souvent trop imposantes. Mais pour ce qui est du portrait intime, c'est vraiment embarquant. Reese Witherspoon aurait pu être encore plus esseulée dans ce film.
Par brides de souvenirs, on découvre peu à peu les (més)aventures et le passé de Cheryl Strayed, ce qui l'a poussée à vivre et raconter cette expérience. Si on peut trouver un léger manque d’habileté dans la façon des les amener (cf : plus haut dans l'article), c'est quand même assez captivant. Et de fait cette construction narrative n'est jamais trop explicative et plutôt suggestive avec justesse.
Cheryl Strayed a beau être un personnage atypique et s'engager dans un défi qui ne l'est pas moins, Wild est un film d'une superbe simplicité. Détaché de tous codes de narration et de mise en scène, propres au true-story, il cherche (et trouve) une pure authenticité en offrant un regard toujours objectif à ce parcours de vie.
D'une entrée dans le vif du sujet à une conclusion qui laisse un vaste champ d'interprétation, le film se laisse traverser. Wild n'a ni début, ni fin, et contourne toutes trajectoires usuelles. Il faut dire que la musique sublime très bien cette déviation. Portishead, Bruce Springsteen, Leonard Cohen...mais surtout Simon & Garfunkel (El Condor Pasa, magnifique) font beaucoup de bien aux oreilles. L'utilisation de ces belles musiques est malheureusement trop brève.
Un an après Dallas Buyers Club, Jean-Marc Vallée continue de mettre en valeur des histoires vraies en évitant tous moralisation. Wild aurait pu (beaucoup trop) s’apparenter à la veine de film pseudo-écolos. Ce sujet très éculé, et souvent bien dénaturé, est évité. Peut-être même trop car les paysages auraient probablement dû avoir une plus grande place dans le décor.
En bref cette histoire est au premier plan et ne sert jamais de faire-valoir à l'arrière plan. Aucun mal ni négligence ne sont infligés à mère nature. Trop appuyer son message aurait fini par aller à contre-sens de la cause qu'on veut défendre, et c'est ce qu'évite très bien Wild. Aucun effet de manche non plus dans les émotions et les péripéties que traverse Cheryl Strayed (aka Reese Witherspoon).
Un film qui porte très mal son titre car il ne piétine jamais sur les plates bandes du wild-movie. Une histoire de vie déconstruite pleine de sincérité, simple et pur.
Note : 15/ 20