Trente deux ans après sa sortie Willard bénéficie donc d'un remake sous l'impulsion de James Wong et surtout Glen Morgan qui est à la fois scénariste et réalisateur du film. L'homme surtout attaché et connu pour son boulot sur X-Files et Millenium , réalise ici son premier long métrage avec une relecture parfois discutable mais plutôt réussi du film de 1971 réalisé par Daniel Mann.
Willard raconte plus ou moins la même histoire que le film d'origine, celle d'un jeune homme timide et torturé qui vit seul avec une mère nocive et qui doit faire face à un patron tyrannique qui ne cesse de l'humilier. Paumé et perdu, Willard trouve le réconfort auprès d'un rat qu'il prénomme Socrate, avant de laisser sa cave être envahit par des rongeurs dont il prend le contrôle.
Cette version de Willard s'inscrit dans un univers bien plus sombre et torturé que le film de 1971. L'immense et luxueuse maison du film original devient une vieille et lugubre bâtisse poussiéreuse tandis que la mère de Willard devient elle une vieille femme squelettique, malade, repoussante et crasseuse. Les bureaux dans lesquels travaillent le personnage semblent quant à eux totalement décrépis avec leurs murs verdâtres couleur morve délavés et tristes. L'univers qui entoure le personnage est donc immédiatement plus oppressant et et maladif alors que dans le film de 1971 qui dans l'ensemble était plutôt coloré et naturel. Cette nouvelle version a tendance également à un peu plus charger les personnages en commençant par Willard lui même, qui est interprété ici par un très bon Crispin Glover. Le problème c'est que le personnage à l'étrange stature, qui semble d'emblée totalement instable psychologiquement et inquiétant devient un peu plus caricatural en tout cas plus prévisible que dans le film de 1971 ou Bruce Davison incarnait un Willard plus fragile, plus ordinaire et donc plus touchant par son humanité. Quant au patron de Willard, cette nouvelle version a la bonne idée de remplacer la bonne trogne de Ernest Borgnine par la grande gueule de R Lee Ermey qui beugle sur ses employés comme un général instructeur. Paradoxalement alors que cette version est un poil plus longue que celle de 1971 , tout semble parfois aller un peu trop vite au détriment de la crédibilité du récit. Alors que dans le Willard de 1971 l'apprentissage des rats par le héros était assez longue et perfectible, on a la sensation qu'ici les rongeurs obéissent immédiatement au doigt et à l’œil du personnage qui les dirige trop vite, trop facilement et surtout bien trop précisément en leur assignant carrément des objectifs précis. La forme allégorique du récit est ici plutôt bien reprise par le film avec une lecture un peu plus didactique entre l'opposition intérieur du personnage tiraillé entre sa part de bonté matérialisé par le rat blanc Socrate et ses penchants plus sombres et violents incarné par le gros rats noir Ben. En parlant de Ben, il est incarné ici par un marsupial africain maousse costaud et franchement impressionnant.
Une fois passé l'aspect un peu plus caricatural et plus grossièrement écrit du personnage de Willard on pourra se délecter du formidable numéro d'acteur de Crispin Glover qui donne tout de même à son personnage torturé une sacrée densité dramatique. Le personnage aux pulsions ouvertement suicidaires, aux attitudes parfois enfantines semble ainsi constamment marcher au bord d'un gouffre creusé par des années de brimades et de souffrances. Si l'on oublie quelques effets numériques comme lorsque Willard déverse un véritable flot de rats d'un ascenseur, les rongeurs présents en nombre sont ici une masse grouillante, dangereuse et sale souvent bien plus impressionnante que dans le film de 1971. Petit détail qui semble anodin mais qui renforce pour moi l'aspect répulsif de ses rongeurs, leur présence occasionne des tas de petites crottes et déjections qui maculent le sol, les meubles et les décors du film. Le film est également truffé de petites références sympathique au film originel avec le portrait de Bruce Davison qui incarne ici le père décédé de Willard ou la reprise de la chanson Ben de Michael Jackson. Cette version de Willard possède aussi quelques touches et respirations humoristiques pas désagréables comme les gueulantes très imagées de R Lee Ermey (même si ses répliques les plus salées et ordurières dont une à base de pouces dans le cul ont terminées sur la table de montage pour éviter une classification PG17) et quelques scènes amusantes comme lorsque la mère de Willard se demande ce que son fils fait enfermé dans la salle de bain ou que ce même Willard se moque de l'obésité du bien trop gros Ben.
On le sait aujourd'hui Willard n'est pas tout à fait le film que souhaitait Glen Morgan qui devra composer avec des projections tests calamiteuses qui vont le contraindre dans un premier temps à atténuer la violence graphique et les dialogues orduriers du film pour l'orienter vers une restriction PG13, puis à tourner une nouvelle fin plus positive que celle prévue initialement pour satisfaire ce nouveau public adolescent . Le film n'en demeure pas moins une relecture tout à fait honorable du film de 1971, même si contrairement à son modèle il ne rencontrera pas le succès. En complément du film , le documentaire L'année du Rat est un très bon making-of.