Ca commence un peu comme dans « Striptease » l’émission belge de Jean Libon et Marco Lamensch. Personnages picaresques dans l’âme, filmés dans des faits de sociétés. Entre sourires et apitoiement, le malaise est permanent, les réalisateurs exhortent nos bas instincts voyeur, moqueur, voire moralisateur. Daniel Vannet semble être la victime idéale pour cela avec son physique ingrat, son franc parlé et son handicap léger. A l’heure où l’on fait feu de tout buzz, ce ne serait guère étonnant.


Pourtant, le quatuor Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, Marielle Gautier Hugo P. Thomas réalisent la prouesse de signer un film incroyablement intelligent et juste, qu’il faut absolument découvrir. Et même si ça et là, on regrette quelques maladresses ou facilités, la portée du message, ou pour le moins la réflexion qu’il engendre secouera joyeusement les esprits un peu trop calibrés. « Willy 1er » dénote avec humanité de la production actuelle où l’aseptisation de la société fait des ravages. Ce film est une blessure béante, qui peu à peu se cautérise sous nos yeux et pour notre plus grand plaisir.


La gémellité dans ce qu’elle a de plus antinomique est omniprésente dans le récit. Cela comment avec la mort du frère de Willy qui était son véritable pilier de vie. Willy qui perd ainsi son compagnon de table, de loisirs et surtout au point de vue sentimental (attention rien de graveleux !) la seule personne qui le faisait existait, sombre pour finalement mieux rebondir. Le même contraste se joue sur le lieu (Caudebec, la ville idéale ou le trou perdu que l’on souhaite fuir), l’amitié (payer cher pour être dans le groupe ou finalement se rendre à l’évidence d’être isolé mais avec quelqu’un de sain)… Willy, l’homme en devenir, sera confronté à ces choix douloureux pour conquérir sa belle liberté.


Après « L’histoire du géant timide » de Dagur Kari et de « Je me tue à le dire » de Xavier Seron, tous deux sortis un peu plus tôt dans l’année, voilà une troisième variation sur le thème de l’homme-enfant qualifié d’inadapté. Inutile de choisir quel est le meilleur, tous trois se complètent, et tous trois diffusent le même état d’esprit libératoire des plus rassérénant.
Bien évidemment Daniel Vannet (il est extra !) constitue 90% du film, il serait toutefois injuste de ne pas parler de l’habillage du film. D’aucun n’y verront qu’un kitschissime exercice de style, il est au contraire résolument réfléchi et ne trahit pas la réalité. Cette même réalité (environnement morne pavillonnaire, centre commercial désincarné, café et rues glauques…) que nombre réfute mais qui est toutefois le cadre de vie d’une bonne partie de la population.


Willy 1er, apparaît alors comme une espèce de radiographie sociétale, qui dévoile les pires et meilleurs comportements (transposables à souhait partout ailleurs qu’à Caudebec). Il pose le doigt là où ça fait du bien. Pour tout homme, malheur est bon !


Quelques liens :


Je n'entendrais jamais plus cette chanson de la même manière https://www.youtube.com/watch?v=oLTC_Kb7lnw


Critique "L'histoire du géant timide" http://www.senscritique.com/film/L_Histoire_du_Geant_Timide/critique/79479685


Critique de "Je me tue à le dire"
http://www.senscritique.com/film/Je_me_tue_a_le_dire/critique/98369079

Fritz_Langueur
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2016, Estampillé Queer, Souvenirs de Cannes 2016, Si j'étais Président des Césars en 2017 et Les meilleurs films français de 2016

Créée

le 30 oct. 2016

Critique lue 784 fois

12 j'aime

Fritz Langueur

Écrit par

Critique lue 784 fois

12

D'autres avis sur Willy 1er

Willy 1er
Rah-Yann
9

Longue vie à Willy 1er !

Willy 1er est un film particulier, original, qui se démarque de la production cinématographique, et notamment de celle dont on a tendance à le rapprocher (Bruno Dumont par exemple), en ce qu’il prend...

le 18 oct. 2016

17 j'aime

1

Willy 1er
Echaper
7

Caudebec City

Daniel Vannet, est un homme comme tout le monde. Un jour il ira à Caudebec, un appartement il en aura un, des copains aussi et puis un scooter. Et il vous emmerde. A moins que ce ne soit Willy ...

le 16 oct. 2016

17 j'aime

1

Willy 1er
rem_coconuts
4

Strip-tease

A priori, l'intention était bonne... Je souhaite tout d'abord préciser que, par la présente critique, mon intention n'est nullement n'exécuter gratuitement et en règle ce film. Bien que j'en exprime...

le 23 oct. 2016

16 j'aime

Du même critique

Ni juge, ni soumise
Fritz_Langueur
8

On ne juge pas un crapaud à le voir sauter !

Ce n'est pas sans un certain plaisir que l'on retrouve le juge d'instruction Anne Gruwez qui a déjà fait l'objet d'un reportage pour l'émission Strip-tease en 2011. Sept ans après, ce juge totalement...

le 12 févr. 2018

59 j'aime

7

120 battements par minute
Fritz_Langueur
10

Sean, Nathan, Sophie et les autres...

Qu’il est difficile d’appréhender un avis sur une œuvre dont la fiction se mêle aux souvenirs de mon propre vécu, où une situation, quelques mots ou bien encore des personnages semblent tout droit...

le 24 août 2017

56 j'aime

10

Tale of Tales
Fritz_Langueur
9

La princesse aux petites poisses...

Indiscutablement « Tale of tales » sera le film le plus controversé de l’année 2015, accueil mitigé a Cannes, critique divisée et premiers ressentis de spectateurs contrastés. Me moquant éperdument...

le 3 juil. 2015

48 j'aime

11