Winter's Bone est un film qui m'a mis une bonne petite claque, parce que je ne m'attendais pas à voir un Western. Parce qu'il faut le dire tout de suite, Winter's Bone est un western contemporain. Pour éviter de perdre la maison dans laquelle elle (sur)vit avec sa mère malade et ses jeunes frères et sœurs, Ree doit retrouver son père qui a gagé la maison pour sortir de prison. Le décor, c'est le Missouri, ses montagnes et son Amérique du Tiers-Monde. Les pionniers sont remplacés par les rednecks locaux : la mentalité du Far-West est là, le décorum aussi (maisons en rondins, ranchs poussiéreux et pick-ups). Les motards remplacent les cow-boys. Et la métamphétamine remplace... euh rien en fait.

Ce scénario est l'occasion de montrer un western donc, dans l'Amérique des oubliés, laissés pour compte, des pauvres, des consanguins (vraiment). Les références au genre sont nombreux : vengeance, violence, épopée, Sheriff, armes à feu. C'est aussi un film sur la pauvreté, ou les liens du sang, un peu. Et le moins qu'on puisse dire c'est que Winter's Bone tient le spectateur en haleine pendant 1h40.

Winter's Bone est aussi un tableau sans concessions de l'Amérique rurale et profonde. Le film nous montre tout ce qu'il peut montrer pour ne pas éclaircir le tableau : obèses, gros, vieux, drogués, misérables. La chasse n'est pas un sport, c'est un moyen de subsistance. Quand il n'y a pas de quoi acheter de la viande, on mange de l'écureuil frit, fraichement chassé dans la forêt au bout du jardin. A l'école, on apprend à défiler, fusil à la main, et l'armée est le seul espoir de s'enfuir. Tout le monde est un peu cousin et les liens du sang s'ajoutent aux associations crapuleuses. Quand on sait le père mort, encore faut-il le prouver aux autorités...

La photographie est parfaite, avec son aspect crade, crasseux, une façon de montrer la pauvreté mais sans misérabilisme excessif ; ce qui frappe ce n'est pas tant la pauvreté de Ree mais plutôt son courage. Et la bande-son de Winter's Bone a le bon goût de savoir rester en retrait. Si cette bandes-son recourt largement aux violons, évoquant le côté « à vif » des disques de Silver Mt. Zion par exemple, elle laisse souvent la place au bruit du vent qu'on devine glâcé et mordant (Western oblige), ou aux chansons Redneck (banjo, violon, et chansons du Far-West).

En sortant du cinéma, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à True Grit, autre Western de ce début 2011. Là où True Grit est classique et un peu foufou avec ses personnages hauts en couleur haut en couleur, Winter's Bone est son pendant sombre et contemporain. Un grand film, un beau film.
Crocodile
8
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le 23 mars 2011

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