Il serait peu dire que la machine à rêve Disney est en proie à un sévère déraillement ces dernières années. Depuis Ralph 2.0, le studio a subi de nombreux bouleversements. D'une part, le lancement de Disney+ qui a impacté la manière de réaliser et de distribuer les films du studio (ce qui n'a pas manqué d'en décevoir certains), mais aussi l'arrivé de Bob Chapek à la tête des studios (ce qui n'a pas manqué d'en décevoir d'autres). Ajoutez à cela une pandémie mondiale qui a poussé à réfléchir les modes de production et de consommation des films Disney, et on obtient des films qui n'ont pas fait l'unanimité, loin de là. Il est de plus en plus évident que l'entreprise vit une nouvelle traversée du désert comme celle des années 2000 avec l'arrivé de l'image de synthèse dans le cinéma d'animation des majors, et malgré le succès d'Encanto (qui tient surtout grâce à la bande originale très consensuelle), le studio n'a pas réellement marqué les esprits. Cela est dû en parti à cause de son concurrent artistique Pixar qui a su proposer une bonne alternative, et qui semble de plus en plus en proie à vouloir se détacher de son propriétaire. D'autre part, son concurrent direct, DreamWorks Animation a retrouver un nouveau souffle après une sérieuse remise en question qui les place aujourd'hui comme étant le studio à attendre au tournant. Et si Disney aussi pouvait se remettre en question à travers un film qui accumulerait les niveaux de lectures méta-textuelles ? C'est ainsi qu'on obtient Wish - Asha et la bonne étoile, un projet qui avait tout du ratage industriel en bon et du forme... mais est-ce le cas ?
Je pense qu'il faut d'abord mettre à plat l'évidence (je ne l'ai pas faite exprès celle-là): le film manque de contraste. La chose étant que le film donne l'air d'avoir été pensé et réalisé en 3D, surtout à son début, mais que le succès de films récents comme Chat Potté 2 ont fortement impacté le projet. Mis à part l'étoile ou encore les pouvoirs de Magnifico, très peu d'éléments ne sont pensées pour créer un jeu de contraste avec l'animation 2D. Le film n'est pas laid pour autant. Le film fonctionne, mais est rarement un véritable plaisir à regarder. Il est question de revenir à des techniques ancestrale de l'animation pour se retrouver (ce qui donnera la meilleur scène du film, mais on y reviendra plus tard en spoiler). Il est alors normal que la 2D soit employé pour faire rêver en retournant au source, d'où le fait que Star l'étoile soit entièrement en 2D, car l'élément de candeur qui va redonner de la magie (littéralement) au royaume... et là on commence doucement à approcher le nœud du problème.
Il est question de retrouver une splendeur d'entant, bafoué par un roi corrompu, et de redonner ses lettres de noblesses à un royaume qui faisait rêver. On parle d'un monde qui se veut au plus près du conte et de l'aquarelle (d'où les assets 2D qu'ils ont ajouté à la 3D des images de synthèse) et de combiner l'ancien et le nouveau. Fawn Veerasunthorm parlera même de "combiner l'apparence de l'illustration du XXe siècle qui a inspiré Walt Disney avec la technologie CG que nous avons aujourd'hui" (source). Vous commencez doucement à voir l'ombre d'un parallèle entre le royaume de Rosas et Walt Disney Animation, mais si cela ne vous était pas assez évident, le film vient ajouter des références à l'ensemble des films de princesse, notamment Blanche Neige et les sept nains qui semble être le corps même du film. Que ce soit dans la structure narrative, dans les dialogues, dans le design, ou même dans le scénario, le film veut montrer qu'il prend appuie sur les classiques de l'animation Disney pour construire son récit. On vient mettre en scène Petit Jean et Bambi qui s'appellent mutuellement à haute voix pour qu'on comprenne que ce sont eux, on a Peter Pan aussi qui passe une tête (après un passage intensif à la salle de muscu)... Cela va jusque dans une scène finale et son générique de fin qui sont dans un abus total dans la non subtilité. Oui, le film n'est pas fin, loin de là. Le film cherche presque à faire plus Disney que Disney, dans une logique de quasi surenchère permanent, presque comme une intelligence artificiel qui cherche à faire un mashup de tous les films Disney en un seul film. Mais plus que la manière d'utiliser les référence, c'est la volonté même d'entretenir un propos méta-textuel qui laisse perplexe.
D'entré de film, j'avais le sentiment bizarre que le film ne racontait pas que ce qu'il souhaite raconter. Les films d'animations Disney (depuis Chicken Little et son passage quasi définitif à la 3D) ont toujours su cultiver l’ambiguïté de leurs antagonistes, voulant s'éloigner des standards du premier âge d'or, et voulant dénoter d'une modernité nouvelle, allant jusqu'à complètement faire disparaitre la notion d'antagonisme de leurs films. Il est donc logique que, pour un film Disney se voulant comme un lien avec les œuvres passés du studio, il y ait un retour de l'antagoniste, en la personne de Magnifico, qui remplit assez bien son job... à quelques nuances près. Là où on attendrait à un antagoniste que l'on condamnerait sans forme de retenu, le film va émettre quelques retenu et va proposer un portrait étrangement nuancé. On pourrait penser que c'est pour ne pas tomber dans un passéisme qui aurait (effectivement) totalement tué le film, mais des moments montrent qu'il y a bien un propos derrière cette nuance, que ce n'est pas un hasard. Lorsqu'Asha et le roi chantent leur volonté de voir le monde heureux, le film montre une harmonie entre les deux personnages. Si celle-ci est amené à se dégrader (en l'espace d'un échange), elle se dégradera en laissant au roi l'opportunité d'expliquer sa pensée et de le comprendre. Cela a pour effet de ne jamais réellement condamner l'antagoniste, même si celui-ci exercera les pires atrocités. Mais plus que cela, ça pousse le spectateur à rentrer en empathie et à trouver une autre vision de la situation, rendant le projet d'Asha moins attachant. Magnifico agit ainsi parce que tous les souhaits ne peuvent pas être exaucé, car certains sont trop dangereux, et même si l'exemple du grand père d'Asha est l'exception qui confirme la règle, il soulève des questions qui ne seront jamais répondu dans le film. Comment vivre dans un monde où tous les rêves sont possibles ? Que se passe-t-il si tous les rêves sont exaucé, est ce que le peuple sera heureux et continuera à rêver ? Sur certains aspect, on rejoint Strange World dans sa logique de quitter sa zone de confort pour trouver le vrai bonheur. Le soucis est qu'en expliquant cela, on discrédite la quête d'Asha de rendre tous les rêves aux peuples pour que tout le monde puisse réaliser son rêve par lui-même, car celui-ci manque tellement de nuance qu'on n'arrive pas à le suivre sans penser aux possibles conséquences... qu'on voit à la fin du film
Asha a gagné, Magnifico a perdu, tous les rêves sont rendus à la population, et après un développement qui sait à peu près corriger l'amer goût de trouble qui surplombe le film, on est amené à l'épilogue où le peuple peut rêver et devenir ce qu'ils rêvent d'être. Le peuple n'a donc plus besoin de grand sorcier aux pouvoirs magiques pour réaliser leurs rêves... et Asha reçoit elle même une baguette pour réaliser les vœux. On peut argumenter que maintenant le peuple est conscient des problèmes et que maintenant plus rien ne peut empêcher le royaume de rêver, de l'autre, on revient à la situation initiale où quelqu'un a un pouvoir pour réaliser les vœux, et a donc la possibilité de se placer au dessus de la population, chose que le film disait condamner tout le long du film. Pire encore, Magnifico n'est pas à proprement condamné à la manière des contes dont le film se clame en être un héritier. Celui-ci est vaincu et est enfermé dans son cristal, mais il a toujours la possibilité de s'exprimer, et a même encore sa place à Rosas (dans les cachots, mais c'est déjà trop). Le film assume presque, malgré lui, une part d'ombre au sein du royaume qui n'attend qu'à revenir
Il est alors évident que le problème soulevé dans le film n'est pas tant le système de Rosas, ni même Magnifico, mais le comportement même de Magnifico, et plus particulièrement sa peur.
La peur et l'horreur ont toujours eu une place importante dans les contes et dans les films d'animation Disney par ricochet. Les moments horrifiques ont une place de remise en question et d'évaluation morale des personnages et du spectateurs qui, face au pire, sont amené à choisir et prouver qu'ils ont tiré les leçons de ce qu'a essayé d'apprendre le récit. En général, ce ne sont pas tant les méchants qui effraient le plus, mais leurs actes et leurs choix de ne pas suivre les valeurs moraux, ainsi que les épreuves amenant à grandir. Cependant, cela demande à faire un choix et à prendre position, là où Disney cherche de plus en plus à faire un consensus, et de rendre ses récits accessible à tous. C'est pour cela qu'au fil des années, le studio a drastiquement adoucit la place de l'horreur et de la peur dans ces récits, et que l'on n'a pratiquement plus d'instants à tendance horrifiques dans les derniers long métrages d'animation Disney. La raison est que choisir amènerait à ne pas choisir, et que si l'on veut accepter tout le monde, il faut accepter ceux qui choisissent, ainsi que ceux qui ne choisissent pas. Sachant cela, comment expliquer les scènes horrifiques lors des prestations de Magnifico ? Celle-ci ne représentent que le désir de pouvoir de Magnifico, mais ne prend pas position sur la question (ou non) de libérer les vœux de Rosas. La peur est (presque) mis en scène pour ce qu'elle est, comme un sentiment pouvant faire réagir la foule, comme un outil de divertissement. Il en vient alors un amer goût de déception et d'inquiétude lors de son climax, et que l'on voit ce qui symbolise la peur Disneyenne possiblement disparaitre à tout jamais. Le fait même de vaincre (ou non) Magnifico n'est pas que simplement vaincre le mal, mais de faire table ras du passé que l'on assume plus, et l'horreur en fait visiblement parti (malheureusement). On clame un retour aux sources pour faire resplendir le studio Disney, mais ce retour n'est pas assumé pleinement, car peu être, le changement n'est que de façade. Le film devient alors beaucoup plus trouble et incertain car, soit maladroit, soit teinté de mauvaises intentions. En ressort un film grossier et à l'honnêteté suspecte.
Je n'attendais rien de ce film que la presse avait enterré au préalable, qui semblait artificiel et peu enthousiasmant, un peu à la manière d'un Encanto en plus bancale. Cependant, j'y suis allé car, à l'exception de son dernier, les films Disney ont toujours eu le don de cultiver la scène qui laisse rêveur, la chanson que tu retiendras, voire les deux. Si l'avais beaucoup de mal avec La reine des neiges 2, j'en garde un souvenir plutôt notamment grâce à ses moments chantés, notamment un qui a sauvé l'image du film pour beaucoup. C'est avec l'état d'esprit de trouver une scène similaire que je suis allé voir Wish, et je n'ai absolument pas été déçu. Si le film est difficilement crédible dans son propos, il y a bien un moment où l'honnêteté et la créativité du film semble sincère, c'est lorsque celui-ci parle de vouloir de réveiller. Si le film était assez sage et monotone jusque là, quoi que doucement divertissant, le film se réveille un peu avant son dernier acte pour enfin exploser et proposer quelque chose de stimulant. Au travers d'une scène, les personnages sont amené à laisser éclater leurs colères grâce aux outils ancestraux du cinéma d'animation (avec plus ou moins de lourdeur, mais bon), et à chanter la meilleur chanson du film.
La scène se veut comme une reprise de Soyez prêt du Roi Lion. Le film étant un gigantesque mashup de tous les films Disney, le parallèle avec Scar est évident et peut soulever des questions sur la notion de cycle de la vie que cela emmène. En effet, si Asha peut être comparé à Scar emmenant les hyènes détrôner le roi, le faisant devenir roi, faute d'être certain que la nomination d'Asha comme nouvelle sorcière pouvant réaliser des vœux comme une mauvaise chose, on peut légitimement se poser des questions sur l'avenir. Il n'empêche que la scène est extrêmement belle et galvanisante, quoi que lourde à filmer un praxinoscope théâtre en gros plan, et qu'elle amène une vrai révolution dans le traitement de la princesse Disney dans les parties musicales. Là où les princesses Disney était souvent érigé comme un symbole qui porte tout le monde, ici la princesse Disney n'est plus seule et n'a pas à endosser toute la responsabilité. Sa quête n'est plus solitaire, mais collective. Cela était déjà un peu le cas avec La Reine des Neiges (dont le film reprend toutes la structure du second volet), mais ici j'ai l'impression que c'est encore plus le cas, et que la "princesse Disney" n'est plus tant une princesse, mais une membre de quelque chose de plus grand
Le film n'est même pas tant détestable ou même foncièrement raté, il est juste mauvais dans son exécution et peu être mal pensé. J'aurais eu plus de haine envers le film si celui-ci n'était que pure cynisme, ce qui (je pense) n'est pas le cas. J'avais évoqué la possibilité que le film ait été impacté par la sortie de Chat Potté 2, et il se pourrait que cela soit effectivement le cas. Si c'est le cas, cela n'aurait pas impacté que la réalisation, mais l'écriture même du film, ce qui expliquerait (en parti) le film que nous avons aujourd'hui. Si le film n'arrive pas à pleinement trancher sur ce qu'il dénonce, c'est surement que le projet a débuté sous l'ère Bob Chapek, et qu'il s'est terminé en 4e vitesse après la sortie de Chat Potté 2, et après le retour de Bob Iger. Faut-il alors prendre pleinement en considération ce que raconte le film ? Je pense que non, et c'est un peu le plus gros échec du film. Cependant, il n'en reste pas moins un film passable qui, pour la beauté d'une scène, mérite d'être vu au moins une fois.
9,25/20
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