Ogniem i Mieczem, nuances profondes et sincérités maladroites

Je dois avouer que j'ai commencé Ogniem i Miezcem en partant du principe que j'allais lui donner sa chance, que j'allais essayer de me mettre dans les meilleures conditions pour l'apprécier et pour découvrir un premier morceau du cinéma polonais. Je n'ai sûrement pas commencé par le début, mais le cadre saptio-temporel me semblait tout trouvé (j'y reviendrais).

Je ne pense pas pouvoir dire que ce film m'ai profondément touché tout du long, mais il est loin d'être mauvais. La mise en scène et le jeu peuvent choquer les petits cinéphiles occidentaux. A titre personnel, j'ai aimé le contraste constant entre une caméra plutôt réaliste, neutre et pleine d'aspérités, et des acteurs qui déversent leurs tripes dans les dialogues.

Pour la première part, il est vrai que la photographie ne fait pas propre du tout. Il n'y a que très rarement de focale bien nette. Soit on montre une scène de groupe tout à fait banale, très neutre comme je disais, soit on film les visages, en prenant le temps d'en montrer tous les défauts, les expressions. Aucune fioriture inutile, c'est concret, c'est posé. Les couleurs sont fades ou sont rougeoyante, apportant une note très ambiguë à la "gloire" et à la "noblesse" tant répétée tout au long du film. Parfois, cette boue et cette sueur omniprésentes se perdent dans un paysage que l'on contemple pendant plusieurs minutes, lui non plus pas plus beau qu'il ne pourrait l'être dans la vraie vie.

Pour la seconde, le jeu saute en effet aux yeux. Je le trouve délicieux, quel que soit le registre du personnage d'ailleurs. Le truc, c'est que les personnages sont sincères dans ce qu'ils incarnent, malgré le fait que cela soit souvent monolithique. Par exemple, autant Jan (le personnage "principal") peut sembler cliché, autant sa fidélité pour son Prince et son amour pour Helena m'ont touché. Pourquoi? Parce que le jeu, les dialogues et la mise en scène nous transmettent sa fragilité et ses doutes quant à ses objectifs : on est loin du héros vertueux classique. On peut dire de même avec son némésis, Bohun, qui est traité avec toute la nuance minimale dont devraient jouir les antagonistes au cinéma. Son acteur, Aleksandr Domogarov,infuse cette folie d'amour et d'orgueil, mais aussi cette faiblesse sincère avec perfection. C'est un guerrier sauvage, un chevalier déchu. En bref, si l'on peut considérer les personnages, leur jeu et leurs dialogues comme monolithiques, ils sont loins d'être superficiels ou grotesque : ce sont des blocs, oui, mais des blocs sincères, à défaut d'être des personnages profonds.

Mention spéciale d'ailleurs à Zabłoba (le gros), qui m'a fait mourir de rire plus d'une fois, jusqu'à en devenir vraiment attachant, et au chef des Tatar Tugay Bey, dont la soif de violence et l'acariatreté sont parfaitement rendues.

Pour Helena, j'avoue que l'actrice est belle (on la voit à poil si ça peut en motiver certains), mais à part ses quelques scènes liturgiques, je la trouve pas hyper touchante. Elle vibre un peu quand elle fait ses prières, sinon c'est plutôt creux. Cependant, je ne pense pas que cela constitue un véritable défaut du film. Le personnage est là pour animer la quête personnelle de deux ennemis sur le plan collectif également (Jan et Bohun donc). Oui, c'est un personnage féminin trophée (ce qu'on peut ne pas aimer pour des raisons évidentes), clairement, et de fait, qu'elle soit développée ou non relève plus du détail. C'est dommage, mais d'un point de vue artisitique, ce piètre personnage n'enlève rien au film.

Enfin, sur le plan plus général, je trouve que c'est une excellente lecture, je ne sais pas si c'est celle du livre, mais j'ai bien aimé le film en partie grâce à ça. Sur le plan historique tout d'abord, il faut admettre que costumes, décors et figurants font tous très vrais, mais je me trompe peut-être. Les enjeux géopolitiques, en revanche, sont clairement respectés. Le conflit entre les rebelles cossaques et le prince Jeremy est bien illustré, même si, sans avoir étudié la question, on peut un peu se perdre entre Pologne, Ukraine, Ruthénie, et Cosaques. L'intervention des sénateurs de la Rzeszpospolita m'a fait froid dans le dos perso, et les intérêts du Prince, certes cruel, sont tout à fait compréhensibles pour le spectateur. Ayant travaillé sur la République des Deux Nations (Pologne-Lituanie) et donc sur sa partie Ukrainienne, la partie historique était pour moi du pain béni !

J'en arrive au point final : qu'on comprenne le contexte historique ou pas, il y a une nuance perpétuelle entre les différents partis, à échelle individuelle et collective. Ce n'est pas la panacée du "récit chorale", mais c'est très agréable d'avoir une histoire de révolte qui soit traitée avec un minimum de recul et de réalisme. Les personnages sont théatraux, mais les enjeux, eux sont bien crédibles et même renforcés par ce jeu qui frôle parfois l'exaltation.

Bref, c'est pour moi une bonne entrée dans la matière du cinéma polonais, que je continuerais d'explorer sous le regard de Jerzy Hoffman d'abord, puis on verra ensuite. Pas un film qui m'a profondément touché, mais pour lequel j'ai trouvé de réelles qualités au delà de mes premières émotions.

Un petit 7/10 en somme :)

Leodegar
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le 8 nov. 2022

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