A l'instar d'une Amérique, celle des eighties, prétentieuse et assoiffée de se débarrasser du fantôme vietnamien, la Chine nouvelle, puissance économique et technologique indéniable, n'en finit plus dans ses excès de puberté de vouloir tuer ses démons. Ces derniers sont l'autre, l'étranger, ceux qui l'ont considérée - pensent-ils - avec dédain autrefois, et ceux qui entendent freiner son ascension vers la place de première super-puissance mondiale, ce qu'elle est déjà plus ou moins. La stratégie de la victimisation des premiers temps communistes, faisant suite à la légitime douleur de la guerre sino-japonaise, prend désormais un ton décalé et a fait d'une frange du cinéma chinois le porte drapeau outrancier du parti, et ce n'est pas franchement lui faire une belle publicité que d'afficher tant de prétention.
Ce complexe d'infériorité, cette frustration latente, se traduit souvent par un regain de nationalisme, un patriotisme aussi exacerbé que vaguement xénophobe. Ici la Chine est une puissance militaire forte de milliers d'années d'histoire, comparant ses troupes d'élite à des loups, conscient qu'à l'occidental on abandonne la puissance, mais le chinois lui répond par son sens héroïque du devoir et une confiance dans le groupe à tout épreuve. Le spectateur est prévenu, les chinois chassent en meute.
Dans ce film où une petite troupe de mercenaires de tout horizon (ah les étrangers....) combattant par vice, instinct de prédation et appât du gain (ah les occidentaux ...) cherche à venger un parrain de la mafia les ayant engagés pour venger la mort de son frère, c'est l'élite de l'élite (ce n'est pas moi qui le dit) de l'armée chinoise qu'ils devront affronter. Le petit frère du parrain a été tué par un sniper de l'Armée Populaire de Libération redoutable, tant mieux l'armée chinoise fait ses grandes manœuvres à la frontière sud-est, les mercenaires iront donc au beau milieu de celles ci pour s'emparer de l'impertinent soldat d'élite.
Bien sûr les mercenaires peuvent compter sur une petite armée d'opérette ressemblant à s'y méprendre au Viet-minh ou aux Khmers rouge, tout de noir vêtus, chapeau mou de jungle vissés sur la tête. On ne saura jamais dans quel pays se réfugie le parrain, mais à coup sûr un pays pauvre et sans force civile digne de ce nom pour stopper le cancer mafieux le rongeant. Au hasard la Birmanie dont l'ouverture récente vers les Etats-Unis ne plait pas beaucoup à Pekin, mais ceci n'est qu'une supposition bien sûr. De toute façon cette armée fantoche a eu tôt fait de se retenir de combattre dans un élan viril et solidaire quand un chinois, seul, le héros, a maintenu en joue leur chef sur la ligne de démarcation entre les deux pays, les renforts dans son dos assurant un confortable soutien logistique et humain n'amenant qu'à une seule conclusion possible: "Si un chinois vous fera à lui seul hésiter, sachez que derrière lui se dressera une nation forte de plus d'un milliard d'habitants qui vous bottera le cul!"
Le film tourne essentiellement autour de la fibre patriotique. Punchlines que n'auraient pas reniées les pires Chuck norris - "Ceux qui affrontent la détermination de la Chine, n'ont aucun endroit où se cacher!" ou encore " Tu ne sais pas parler chinois? enculé" (alors que l'écusson chinois comporte en anglais la mention...I FIGHT FOR CHINA) - démonstration de sens du devoir et d'attitudes à la limite de l'héroïsme puéril propre à renvoyer les vigilantes movies du Bollywood voisin à ses chères études, et une confiance aveugle en la suprématie de l'art guerrier chinois, multiséculaire, très au fait des techniques étrangères et donc concevant la guerre comme une immense partie de jeu plateau, mâtiné de visuels très "battlefield 4". Le tout saupoudré d'un Mandarin (je l'ai vu en VOST) à l'accent martial et ne faisant pas honneur à cette si belle langue.
Et les acteurs dans tout cela. Wu Jing est aérien, rapide, élancé mais totalement décrédibilisé par son personnage de surhomme à l'humour le plus cool du monde. Alors qu'une balle s'est logée dans son bras droit, qu'une autre l'ait frappé à la clavicule gauche, le voici qui vient d'échapper à l'explosion d'une mine anti-personnelle "mortelle à 98% dans un rayon de 30m", le projetant au sol le souffle et la conscience éteints. Se réveillant, tout sourire, il ne trouve rien d'autre que demander à son commandant - une femme, la Chine est terriblement moderne, si, si ! - si elle est en couple, le vicelard ne loupant pas une occasion de lui faire un brin de causette lourdingue, y compris en pleine communication avec l'état major chinois. Une balle dans le flanc droit puis une dans les côtes gauches plus tard, notre ami se bat dans un duel de 4min20 sans intérêt en sautant comme un cabri sur Scott Adkins. Ce dernier n'est pas en reste, touché à trois ou quatre reprises - j'ai perdu le fil - un couteau planté dans la cuisse, la lame dans le genou, notre ami saute à hauteur d'homme pour décocher un high kick des plus dévastateurs. C'est bien connu le QBZ-95 (le fusil automatique chinois) qui tire du 5,8 × 42 mm fait l'effet d'un lance petit pois, je ne parle même pas des trois chargeurs de leurs pistolets 9 mm respectifs (il me semble même que Scott Adkins utilise un 40. S&W, à confirmer...) . Non vraiment, la guerre, la vraie, celle qui fait mal c'est à main nue.
Wu Jing, totalement risible donc, ne s'offre pas le tandem tant attendu avec Scott Adkins. Ce dernier à un moment donné livre sa vérité sur le fondement de son engagement militaire: "Money" (c'est un occidental !) Est ce là également la vérité de son engagement dans ce bousin décérébré? pourtant le film sur le papier se laisse voir. 12 millions de Budget, une image satisfaisante, deux excellents combattants et chorégraphes, une scène d'ouverture pas désagréable et un scénario qui aurait pu donner un vrai bon film virant du classique film de guerre au métrage survivaliste.
Mais à bien y regarder on trouve quelques horreurs. Incrustations de sang ratées, une meute de loups (les animaux pas les chinois) en CGI abominables, des bombinettes qui font plus de flammèches et d'étincelles que de dégâts apparents, et un casting sans doute assez réduit. L'opposition se bornant principalement à une vingtaine d'hommes contre 6 ou 7 mercenaires et un QG rempli d'anonymes. On notera le jeu profondément inutile de la jolie Yu Nan, le commandant de l'unité des Loups, qui fait figure de cerveau et de hacker mais dont la seul intérêt réside dans ses lèvres excessivement pulpeuses. Sa participation à Expendables: 2 (2012) avait été autrement plus gratifiante. Ici elle reste plantée devant une table/un homme/une chaise en uniforme, sans jamais se dérider. La scène où elle est sommée de révéler devant tout l'état-major sa situation amoureuse, sans doute pour exciter le héros qui a besoin d'une poussée d'hormones pour se relever et achever sa mission est un grand moment de solitude. On en est gêné pour elle, démonstration involontaire ou non de machisme et d'un sexisme rare. On en vient à se dire qu'elle finira dans les bras du héros, l'embrassant langoureusement en guise de récompense de ce dur labeur. Que neni la chaste pudeur chinoise nous évitera ce climax de tension sexuelle et on en vient à le regretter. On se dit qu'elle s'est fait humilier pour cela... aboutir à un dernier plan où les deux amants en devenir roulent sagement côte à côte en jeep (placement produit pour la firme automobile chinoise MengShi si je ne me trompe) en se promettant un simple verre et plus qui sait (mais dans le regard, que dans le regard). Comme le film en fait, tout est vain, vide et bête. La Chine mérite mieux que cela !