Avec son message socio-politique, Wolfen aurait dû être un grand film. En lieu et place, c'est un simple thriller saupoudré de quelques scènes gore qui passe littéralement inaperçu aux yeux des spectateurs nord-américains lors de sa sortie en plein cœur de l'été 1981. L'hiver suivant, le long-métrage remporte le Prix spécial du Jury au Festival International du Film Fantastique d'Avoriaz, ce qui lui permet d'obtenir une distribution en salles dans toute l'Europe en 1982 malgré son cuisant échec aux USA. Comble de malchance, l’œuvre n'intéressera pas plus le public européen.

Adaptation du premier roman de Whitley Strieber, également géniteur du formidable Les Prédateurs que Tony Scott transposera sur les écrans en 1983, Wolfen narre l'enquête d'un flic un brin névrosé et alcoolique suite à un atroce triple meurtre ayant eu lieu en plein cœur de New York. Secondé par une enquêtrice psychologue, de fausses pistes vont peu à peu le mener à découvrir un univers de croyances ancestrales peuplées de loups.

Derrière le projet, un cinéaste spécialisé dans les prises de vues de concerts qui n'a qu'un seul "vrai" film à son actif, le légendaire (et génial) documentaire Woodstock, réalisé en août 1969 lors du célèbre festival. Amoureux du roman de Strieber et de la dimension socio-politique qu'il aborde, Michael Wadleigh porte le projet à bout de bras et bataille même avec ses coproducteurs pour imposer Albert Finney en lieu et place de Dustin Hoffman qui se dit intéressé pour le premier rôle suite à son triomphe (et son Oscar) dans Kramer Contre Kramer. Wadleigh gagne néanmoins la partie et se voit attribué d'un budget de 17 millions $ pour mettre en scène cette étrange opposition entre la nature et la civilisation hantée de légendes amérindiennes.

Si l'enquête reste passionnante en multipliant les fausses pistes et en arborant la technologie utilisée par la police en 1981, c'est le contexte socio-politique démontrant que les Wolfen sont les fantômes de l'Amérique sauvage se nourrissant de l'intrusion de l'homme blanc et de l'extermination des peuples Amérindiens qui se voit, malheureusement, abordé le plus faiblement. Une lacune doublée par le point de vue des loups en vision thermique qui annihile tout suspens quant au futur sort des personnages.

Bref, il est fort dommage qu'une telle œuvre ait été confiée à un cinéaste si peu expérimenté dans le domaine de la fiction malgré un casting aux petits oignons (Edward James Olmos est littéralement génial) et une somptueuse photographie signée par Gerry Fisher qui nous fait visiter une ville de New York aussi crépusculaire que fantomatique.

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le 21 mai 2023

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