On a tous quelque chose en nous de Chewbacca

Alors que j’essaie de rattraper tous les bons films de l’année que j’ai loupés, j’allai à une petite séance improvisée ce jeudi soir pour voir Wonder, sous l’initiative d’un ami sans qui je ne me serais sans doute pas intéressé à ce film qui sentait fort le pamphlet moralisateur aux bons sentiments facile et peu original. Ce ne fut pas le cas.


Wonder est loin d’être aussi simple que sa bande-annonce le laisse entendre. En effet, si le personnage d’Auggie est évidemment sous le feu des projecteurs, le film ne se contente pas d’une énième leçon de morale qu’on pourrait résumer à « ce n’est pas bien de se moquer des gens différents, la beauté est à l’intérieur, ce n’est pas le physique qui fait la valeur d’une personne », ou tout autre phrase de ce type qui enfoncerait une nouvelle fois des portes ouvertes. Chaque personnage est un personnage principal à part entière, et si Auggie vole forcément un peu la vedette, les autres ne sont jamais oubliés et jouent tous un rôle d’une importance certaine.


Ce qu’il y a d’intéressant dans Wonder, c’est d’abord le découpage du récit en plusieurs parties, chacune centrée sur l’un des personnages. Cela permet de briser tout manichéisme et d’empêcher le spectateur de tomber dans la pitié pure et dure pour Auggie, en développant l’histoire d’un peu tous les autres protagonistes pour qui on devient réellement compréhensifs. Par exemple, j’ai trouvé l’arc narratif de sa sœur vraiment important, en ce qu’il met en relief le fait que malgré tout l’amour qu’elle porte à son frère, elle ne peut s’empêcher d’être au fond un peu jalouse et de se sentir abandonnée par des parents qui n’ont d’yeux que pour leur fils, se sentant évidemment dans l’obligation morale de compenser ce que la nature ne lui a pas donné par une attention débordante. Ainsi naît en cette sœur, profondément compréhensive, un mal-être dont elle a un peu honte car elle sait qu’au fond elle est bien mieux lotie que son frangin ; mais elle ne peut pas faire autrement, en tant qu’adolescente, que de vouloir un peu plus de considération de la part de sa mère, notamment.


Tout n’est donc pas univoque dans Wonder, car le film prend le temps de développer toutes les facettes de cette vie compliquée, tant pour Auggie que pour ses proches qui sont tous des victimes collatérales d’une manière ou d’une autre. L’environnement scolaire est très bien retranscrit, si bien que je suis replongé une ou deux fois en enfance et me suis revu quelques années en arrière (sauf que je n’ai malheureusement jamais eu la chance d’avoir une prof de physique-chimie aussi sexy ou un prof d'anglais aussi beau gosse...).


Le film fait aussi preuve d’une grande inventivité, propose des choses que l’on n’avait encore jamais vues au cinéma pour nous immerger un peu plus dans le monde intime d’Auggie, avec par exemple cette partie de Minecraft filmée en plein-écran où il montre à son ami (et donc au spectateur en même temps) ses constructions, preuves de l’étendue de son imagination ; ou encore ces multiples références à Star Wars qui ne sont pas gratuites dans la mesure où elles composent la quasi-totalité de la personnalité de ce petit garçon fasciné par l’espace, les étoiles, la science et l’univers geek en général. Ainsi l’élève qui se moque de lui prend l’apparence de L’Empereur, d’abord dans son imagination puis concrètement lorsqu’il en porte le déguisement pour Halloween ; et il lui arrive de voir apparaître un Chewbacca fantasmé lorsqu’il cherche désespérément un guide, ou simplement un ami qui soit comme lui (différent, « monstrueux ») et qui le comprenne. Ces combats de sabre laser avec son père ou encore ces parties de Xbox entre amis sont de vrais moments de bonheur, aussi brefs soient-ils, où les émotions sont palpables et où l’envie de briser le quatrième mur afin d’aller les rejoindre est bien réelle.


Alors bien sûr, on pourra reprocher à Wonder son happy-ending prévisible où « tout le monde il est beau, tout le monde il est heureux, tout le monde il est gentil », mais ce serait hypocrite de dire qu’on attendait vraiment autre chose de ce genre de film en entrant dans la salle. La fin n’a rien de surprenant donc, mais elle est bien faite, l’émotion est là et j’ai d’ailleurs laissé couler quelques larmes à plusieurs reprises durant la projection. Et puis ça fait du bien de voir des beaux films de temps en temps, sans prétentions, mais qui peuvent s’avérer être de vraies surprises dont on ressort plus conquis qu’on ne l’espérait.


Wonder est un film à voir en famille, parfait pour les fêtes, qui ne révolutionnera pas le genre mais qui a le mérite de développer une belle histoire avec énormément d’humilité, de pudeur, d’honnêteté, sans jamais tomber dans le tire-larme facile ou la démagogie. Le message de tolérance à beau être universel, il n’y a qu’à regarder au pied de sa porte pour voir que beaucoup de gens ne semblent toujours pas l’avoir assimilé. Derrière ses apparences de film tout simple, Wonder donne à voir une vraie proposition de cinéma où la réalisation très particulière et personnelle fait de ce long-métrage la petite perle de cette fin d’année, à ne manquer pour rien au monde.


Enfin, à tous ceux qu’on a moqués, rabaissés voire insultés (ou qui l’ont été) dans leur vie à cause de leur physique, n’oubliez jamais ceci : Chewbacca est peut-être moche, plein de poils, trop grand et incapable de faire une phrase correcte, ça ne change rien au fait que le seul copilote du Faucon Millénium et acolyte du légendaire Han Solo, c’est bien lui. Et personne d’autre.
Parce que chacun de nous est une merveille pour celui qui sait nous regarder.
Et parce qu’on mérite tous un jour, au moins une fois, d’avoir sa propre standing ovation.


Joyeux Noël à tous !


PS : Pour ceux qui étaient déçus du rôle assez en retrait de Chewbacca dans le dernier Star Wars, j’ai la réponse : il était trop occupé sur le tournage de Wonder, c’est pour ça. Dur dur d’être partout quand on est le Wookie le plus célèbre de la galaxie...

Grimault_
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le 22 déc. 2017

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Jules

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