Tire-larmes ultime !
La guimauve, ce n'est pas mauvais au début. Mais lorsqu'on vous met un entonnoir jusqu'au fin fond de la gorge et que l'on commence à vous en déverser des hectolitres dedans sans s'arrêter, ça...
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Wonder est beau, Wonder est touchant, Wonder est une ode à la tolérance. Filmée à hauteur d'enfants qui plus est. Soit. Ceux qui chercheront toutefois à dépasser ce stade « infra-critique » se heurteront vite à des dispositifs peu reluisants : un ronronnement scénaristique permanent, une itération maladroite de tout ce que le drame hollywoodien produit de plus exaspérant et des bons sentiments en pagaille. N'en jetez plus ! Le film de Stephen Chbosky fait alors l'effet d'une barque ballottée par des vagues aussi convenues que larmoyantes.
Bien campé par Jacob Tremblay, August est un garçon de dix ans atteint du syndrome de Treacher Collins. Sa malformation faciale l'a toujours bouté hors des cercles traditionnels de l'enfance : l'école, les activités sportives, les mouvements de jeunesse. Il vit dans un cocon protecteur où sa mère Isabel (Julia Roberts) tient lieu de principale tutrice. Quand il pénètre pour la première fois dans une enceinte scolaire, il est confronté aux regards des autres, inquiets, fascinés, interrogatifs ou moqueurs et blessants. La progression du film, épousant celle d'August, souvent cousue de fil blanc, se drape dans les flux et reflux des interactions sociales de la pré-adolescence, en prenant grand soin de respecter toutes les conventions du drame : espoirs et désespoirs, détentes et tensions, joies et peines.
Là où Stephen Chbosky déployait une certaine ingéniosité dans Le Monde de Charlie, il s'embourbe avec Wonder. Outre un scénario prévisible, le film donne lieu à une série de clichés dont on se serait volontiers passé – la famille aimante et surprotectrice, les enfants persécuteurs ou prévenants, les parents froids et insensibles convoqués par le directeur. Wonder fait par ailleurs grand étalage d'une narration vaguement déconstruite, organisée en nodules autarciques le plus souvent laborieux et/ou trop démonstratifs. Plus embêtant encore, Stephen Chbosky entend nous tirer les larmes au forceps, à grand renfort de partitions mélancoliques, de plans rapprochés, de scènes de rejet, d'incompréhension ou de doute, comme si la difformité de son jeune héros constituait un horizon unique et indépassable.
Finalement, il faut peut-être regarder derrière la montagne pour trouver le plus beau caillou. L'arche narrative entourant Via, la soeur d'August, renferme une réflexion intéressante sur ce qu'on qualifiera par commodité d'« enfant sacrifié ». Écrasée par les souffrances de son frère défiguré, marginalisée par la position proéminente qu'il occupe au sein de la famille, abandonnée en sus par sa seule amie, elle fait face à des problèmes d'incommunicabilité, d'indisponibilité parentale et semble constamment reléguée à l'arrière-plan des considérations et des préoccupations. Malgré cela, elle a suffisamment d'intelligence et de sollicitude pour ne pas entrer en état de rupture avec les siens et continuer à prodiguer de précieux conseils à August. Et si c'était là la fameuse ode à la tolérance ?
Créée
le 5 févr. 2018
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