Wonder Woman arrive dans le sillon super héroïque avec un atout de poids : son actrice, Gal Gadot, qui porte sur ses épaules la responsabilité d'endosser le rôle d'une icône de la pop culture. Déjà aperçue dans le brouillon Batman V Superman, il lui restait toutefois à faire ses preuves. A l'heure où le cinéma est empli d'un machisme conséquent et aberrant tant il dure depuis ses débuts, le succès grandissant de Wonder Woman au box office et les critiques élogieuses permettaient de placer une confiance importante dans le nouveau long métrage du DC Extended Universe. Pourtant, si le film rattrape les erreurs d'un Suicide Squad désolant, il ne parvient pas à redonner totalement confiance dans le gigantesque plan cinématographique DC, notamment dans une banalité parfois déconcertante.
Wonder Woman a un certain mérite, celui d'être le premier film super héroïque féminin (les navets Elektra et Catwoman ne peuvent pas être considérés comme des films). Si l'on peut s'étonner du fait qu'on parle plus du film comme une "réussite pour la condition cinématographique féminine" que comme une réussite "quelconque", il est aussi surprenant de voir que l'on s'intéresse plus à ce qu'il a à nous apporter par rapport au sexisme du milieu que par sa nature propre : celle de film et par conséquent celle de divertissement visuel et scénaristique. N'en déplaise aux détracteurs de Batman V Superman, Zack Snyder avait le mérite d'imposer un style, certes parfois bancal, mais l'identité visuelle (comme celle de tous les films de Zack Snyder) donnait un aspect dynamique et surtout intéressant dans la direction artistique. C'est là où Wonder Woman pêche au moins un minimum, dans la mesure où le métrage n'arrive pas à trouver son équilibre visuel, et copie, involontairement ou non, les raccourcis de Snyder, mais cette fois ci en les faisant devenir lourds et gâchant même l'action. L'époque actuelle dominée par les blockbusters montre une avancée spectaculaire dans les effets spéciaux mais montre aussi des limites qui se font de plus en plus sentir (les désolants Warcraft Le Commencement et X-Men Apocalypse en font les frais), et hélas Wonder Woman peine à convaincre grâce à ses effets visuels, surtout dans son dernier acte, qui reprend les codes de destruction visuelle du Dawn of Justice. Il faut toutefois noter un effort de montage qui marque, peut être, une remise en question de ce qui n'allait pas dans les précédents films super héroïques de Warner. Les scènes d'action, bien que peu nombreuses, sont bienvenues et sans le dernier acte méchamment banal et gratuit, le reste fonctionne presque parfaitement, formant un tout assez cohérent et structuré. La caméra de Patty Jenkins n'ose pas grand-chose, mais elle reste appréciable.
Là où le métrage pêche, c'est qu'il reste dans une banalité et n'essaie pas de se confronter à des risques. Au contraire, son schéma narratif ne propose rien de neuf et même après quinze années dominées par les films de super héros, les mêmes clichés et stéréotypes du genre reviennent sans cesse. Si l'on peut se réjouir de voir une femme forte être à la tête d'un blockbuster, il est dommage de ne pas en profiter pleinement pour revisiter le genre. Par ailleurs, il est amusant de voir à quel point les blockbusters ont changé aujourd'hui. Si à l'époque les origin-story essayaient d'en dire le plus possible et étalaient l'histoire sur plusieurs années (le premier Spider-Man en est l'archétype même), les récents blockbusters tendent à vouloir trop se précipiter et à poser une action sur un temps très court. Ainsi, dès que Wonder Woman atteint l'âge adulte, la suite du film ne permet aucune ellipse, aucun saut dans le temps, ce qui empêche fatalement l'avancée psychologique du personnage, qui va donc avoir recours à des changements de motivations qui sonnent inévitablement faux. Le métrage est aussi extrêmement long, à croire qu'un film de super héros ne peut plus être d'une durée inférieure à deux heures. Ce n'est pas forcément une erreur et la durée longue peut être un atout formidable, mais le film montre lui-même les enjeux qui vont avec. Car l'histoire est étirée au possible, jusqu'à n'en plus finir avec des scènes de dialogue qui mettront jaloux ceux de Captain America : Civil War que beaucoup pointent du doigt. S'ajoutent à cela un humour qui ne fonctionne pas à tous les coups et des méchants effacés, pour donner un métrage tout-ce-qu-il-y-a de plus classique chez les super héros.
Wonder Woman a évidemment des qualités, notamment celui d'avoir une actrice qui porte le film à travers elle, qui fait vivre le film et qui permet de ne pas trop s'ennuyer. Gal Gadot est impliquée et malgré un jeu qui témoigne d'un début de carrière, elle reste plus que convaincante. On note aussi une scène magique (bien que scénaristiquement aberrante) qui fout des frissons un peu partout sur une musique vraiment chouette. La bande originale est d'ailleurs très bien orchestrée et bonne, Rupert Gregson-Williams arrivant à apporter des thèmes finalement assez convaincants, malgré l'utilisation peut être excessive de la guitare électrique, effet post Batman V Superman. Wonder Woman arrive aussi à avoir une tonalité cohérente, et les passages comiques / dramatiques se succèdent sans dysfonctionnement, preuve d'une maîtrise plus remarquable que dernièrement chez Warner. Mais quitte à faire de Wonder Woman un film féministe, autant la débarrasser d'un sidekick qui, bien qu'appréciable, empêche à l'Amazone d'être pleinement l'héroïne de son film.
Wonder Woman semble trop banal pour y prêter une attention particulière, hormis le fait que le métrage est important aux yeux du cinéma dans la mesure où il pourra sûrement permettre à l'avenir plus de films centrés sur des femmes, afin de faire face à un machisme très important dans le secteur. Mais au-delà de ce fait honorable, le film peine à réellement convaincre, tant dans son scénario que dans son visuel (malgré de bonnes choses des deux côtés). Wonder Woman n'est pas la réussite attendue ni le film si spécial promis. Il n'est pas non plus exempt de qualités et il est facile de s'adonner à un divertissement plus que réussi, à l'exception d'un étirement du scénario néfaste à la puissance du métrage.