Dieu existe, il est noir, gaucher et guitariste: Jimi Hendrix. J'aurais pu vous parler de l'intégralité du documentaire Woodstock, 3 Days of Peace & Music, mais on ne saurait rendre justice à une expérience musicale et cinématographique de 4h en la résumant en quelques lignes. Je choisis donc une scène en particulier, grand moment de musique, gravé à jamais dans l'Histoire du Rock, qui par la magie des caméras de Michael Wadleigh est devenu un « moment » de cinéma, j'ai nommé le passage sur scène du grand Jimi, qui conclue le film de façon magistrale.
L'idée insolite fut de superposer sur les morceaux du maître l'après festival, véritable champ de guerre, et ses quelques « survivants », ramassant ordures et objets abandonnés. Comme si après 3 jours d'orgie musicale, sans débordement notable, montrant au monde que la communauté hippie est capable de dire un gros Fuck à l'Amérique belligérante, l'Apocalypse se manifestait à l'endroit même où un monde meilleur s'annonçait possible. La fin d'une époque donc. Et la magie de cette superposition, c'est qu'images et musique traitent de ces mêmes thèmes. Les hippies peuvent incarner la révolution tout en étant des bons Américains respectueux des ainés ? Jimi Hendrix donne corps à ce paradoxe en une chanson: Star Spangled Banner, l'hymne américain, revisité par ses soins à travers les cris de son instrument, de son amante, à la fois hommage, mais aussi farce irrévérencieuse, doigt d'honneur et main sur le cœur, comme Queen et son God Save the Queen à chaque fin de concert ou Gainsbourg et son Aux Armes Etc.
Il envoie ainsi se faire voir la vieille génération va-t-en guerre ne jurant que par les vieilles valeurs, et rallie le demi million de gosses présents, prouvant qu'on peut bruler sa convocation militaire tout en aimant son pays. Tout ça avec une guitare et des doigts magiques. L'homme ne fait plus qu'un avec son instrument, l'instrument devient femme, la guitare gémit sous les doigts du dieu Hendrix, bête de scène/sexe.
Car oui, on a beau avoir vu un couple s'ébattre de loin dans les champs, la seule vraie « scène de cul » du film, c'est bien celle là. Il prend littéralement son pied à tirer des sons magiques de sa six cordes, sons humanisés par la foule qui en redemande. Et par ce moment de musique devenu moment de cinéma, moi, issu de la « Génération LOL », je pleure ces instants de grâce où un demi million de gamins pas beaucoup plus vieux que moi à l'époque ont pu vivre cet instantané de révolution et cet orgasme musicale.