En 1974 sortait Massacre à la Tronçonneuse sortait au cinéma aux États-Unis. Tobe Hooper bouleversait le milieu du cinéma d’horreur, il était alors affecté par le scandale du Watergate et sensible aux problématiques défendues par le mouvement hippie, cette dernière sensibilité étant relatée dans son premier film Eggshells.


Hooper a réussi sur l'ambition et la qualité de son film avec un budget ridicule. Il en ressortira bon nombre de partis pris marquants, et c'est là que X de Ti West entre en jeu !


D’abord sorti aux États-Unis, le film a fait l’objet d’une sortie française ce 2 novembre, pour notre plus grand plaisir !

Le film référence de la maigre filmographie de Ti West reste The House of the Devil, une leçon de création d’ambiance pesante où l'on ne connaît pas la nature de la menace jusque dans le dernier quart d'heure révélant le caractère fantasque et créatif du bonhomme.


C’est avec grand plaisir que l'on vient le retrouver avec X, qui prendra place aux conclusions de la révolution sexuelle et début de l’accès à la pornographie. C’est avec un magnifique surcadrage couplé d’un travelling nous faisant passer d’un format 4/3 à 16/9 que Ti West nous accueille dans son histoire, de la plus morbide des manières.

Et pour cause, une introduction débutant par une enquête de police sur une affaire de meurtres sauvages, on réalise alors que Ti West va construire son métrage sur des parallélismes.

En effet, on nous présente le désir d’émancipation, de plénitude sous deux formes opposées : par la foi grâce aux dictions d'un pasteur évangéliste au travers d’un poste de télévision, puis par l’orgueil avec cette jeune femme (Maxine, l’héroïne du film) devant son miroir et son « T’es un p*tain de sex symbol ! »


Voilà notre équipe : 6 petits pornographes enthousiastes, l'image ébruitée terne de l'introduction passe à beaucoup plus de couleurs, en particulier sur ce mur peint d'où sort Maxine semblable au panneau d’Amity Island dans Les Dents de la Mer. Ti West nous offre un premier look aguicheur, sexy, hédoniste, renaissant de l’Amérique. Il ne tardera pas à s'estomper au fur et à mesure que nos personnages vont s’enfoncer dans la campagne à bord de leur van.


On découvre au fur et à mesure la personnalité de chacun : Maxine, jeune actrice pleine d'ambition avec pas mal d’orgueil ; Wayne, son compagnon producteur, chef de la petite bande ; Bobby-Lynne, cliché de la pornstar blonde pas bien maline obsédée par le sexe ; Jackson, l’acteur afro-américain sympathique dont la fierté n’a d'égal que la taille de son pénis ; R.J, le nerd cinéphile qui veut faire du film quelque chose d'artistique ainsi que sa compagne Lorraine comme timide preneuse de son, en somme, une bande typique de slasher.


Que ce soit sur la route comme en arrivant à la ferme qui fera office de lieu de tournage, on va revenir à ce que j'ai dit au départ : on distingue visuellement l’influence de Massacre à la tronçonneuse.

Le positionnement de la caméra dans le van, un regard moins misérabiliste mais présent sur l'exploitation animale, la halte dans une station-service semblable jusqu'à l’enseigne Coca-Cola ou encore la contemplation de l'étendue de la ferme au milieu des hautes herbes sont de clairs hommages au chef-d'œuvre de Tobe Hooper.

Mais l’hommage le plus évident, c'est l'architecture de la maison du couple d’antagonistes. Elle est en apparence normale, mais le plan moyen sur la porte d’entrée depuis l'obscurité du couloir qui lui fait face laisse présager le pire pour tout amateur de cinéma d’horreur…


Ici, pas de bouchers redneck et encore moins de retardé mental brandissant une tronçonneuse mais, au même titre qu’un Leatherface frustré dans Massacre à la Tronçonneuse 2, un grand-père mou de la baguette. Et j'oubliais sa compagne danseuse à la retraite voulant redécouvrir les joies du sexe.

La grand-mère prénommée Pearl présentera des similarités au fur et à mesure du film avec Maxine, amenant à un parallélisme très intéressant entre nos anciens et nos jeunes. La jeunesse de la grand-mère sera dévoilée dans le tout aussi impressionnant Pearl sorti cette année et l'annonce d’un troisième film sur Maxine laisse présager une terrifiante trilogie ayant pour thématique de fond l'indéboulonnable mur auquel se heurte la frustration des esprits les plus avant-gardistes. Et si Pearl et bientôt MaXXXine font office de prequel et sequel, le cœur de la confrontation générationnelle : c'est dans X !


Passé l’évident sous-texte hédoniste « Carpe Diem » où l’on contemple les jeunes corps s’adonner au péché de chair et les anciens reposer leur carcasse fatiguée, le réalisateur semble rechercher les plaisirs du cinéma d’exploitation des 70’s & 80’s. Que ce soit dans le côté assez caricatural de ses personnages comme la variété de meurtres surprenants au même titre que ces vieux slashers conçus pour se démarquer avec un body count original.

Le redneck subit son existence regardé avec condescendance par le spectateur et les protagonistes qui possèdent la vigueur perdue des anciens.


Sur son aspect le plus formel, X est un revival du slasher se contentant d’en respecter les codes avec une personnalité sur le plan purement fictionnel. Mais en questionnant le fond, on s'approche de la métaphore où le constant et ardent désir sexuel qui est présent toute notre vie est incarné par une jeunesse libre sur tous les plans, que la vieillesse de Pearl et son mari va exécuter au risque d’y passer. On peut voir celà par le prisme du film Pearl aussi, une vie ratée dont les pulsions de mort motivées par les frustrations et la jalousie en a dessiné les contours.


En somme, X est une véritable prouesse horrifique que l’on accole sur bien des aspects à Massacre à la Tronçonneuse, mais qui détient une réjouissante personnalité d’une part par la grande maîtrise précoce et l'ambition de son réalisateur Ti West et d'autre part, un référencement riche dont Ti West a parfaitement extrait la flexibilité pour servir son film et son sous-texte aussi pertinent que salasse. Une pièce cinématographique d’horreur culte en devenir !




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le 26 mars 2023

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