Le plan d'ouverture de "X" est peut-être le meilleur résumé de l'approche de Ti West : une image fixe, figée dans le temps sur un décor désolé texan que n'aurait pas renié un certain Tobe Hooper, mais dont l'apparent format 4/3 d'époque révèle vite sa nature de trompe-l'oeil avec des portes restées dans l'ombre en guise de barres noires au moment où la caméra rentre en mouvement.
En envoyant vadrouiller l'équipe de tournage d'un film pornographique dans l'Amérique profonde en 1979, on s'attendait évidemment à ce que le formalisme maniaque de Ti West soit de la partie pour reconstituer une ambiance à l'identique de ses inspirations, jusqu'à même s'y méprendre comme il avait su si bien le faire avec "The House of the Devil", et ce sera effectivement le cas tant "X" paraît sortir visuellement tout droit d'une machine à remonter dans les 70's avec son atmosphère intacte de survival d'époque où l'on ne serait même pas étonné de voir débouler le Leatherface d'origine dans un recoin de l'écran (Ti West met clairement à l'amende une bonne partie des suites/remakes ayant tenté de tutoyer le film culte de 1974). Mais ici, contrairement au sérieux de l'approche de "The House of the Devil", le réalisateur-scénariste va choisir une voie plus décalée qui va intégrer les fondamentaux violents de ce type de survival dans une espèce d'hommage délirant, au sens premier du terme, où un regard méta de vrai amoureux du genre va superviser le match improbable entre une jeunesse sexuellement libérée et une Amérique tellement refoulée sur ces questions qu'elle en vient à exploser sous le poids de ses envies inassouvies à son contact.
Ce choix est aussi osé que les films tournés par ses héros et un traitement qui n'aurait pas été à la hauteur aurait vite fait d'emmener "X" vers le ridicule sur bien des aspects mais, même sur le fond, Ti West trouvera toujours le bon ton pour faire osciller son long-métrage sur le registre plus léger ou brutal qu'il souhaite privilégier, tantôt pour servir une opposition qui évite le bête manichéisme par la révélation de ponts et parallèles insoupçonnés, tantôt pour mettre en valeur des aspirations féministes pertinentes que son récit et ses personnages lui octroient, le tout en donnant à la progression du film des faux-airs métaphoriques d'une sexualité contrariée avec d'abord une pleine légèreté qui colle à l'insouciance de sa petite troupe, ensuite partagée à une tension grandissante autour de l'inconnue représentée par un comportement irrationnel et enfin submergée par un déferlement de violence rageuse qui ne cesse de monter en gamme dans les exécutions variées et multiples.
En somme, si l'aboutissement formel de l'objet saura assurément séduire les plus nostalgiques de l'horreur d'antan, "X" réussit également à ne pas être qu'une simple lettre d'amour à un genre et à une époque en constituant une vraie et étonnante proposition de survival, parfois aussi folle que désarçonnante par ce qu'elle choisit d'explorer et sa manière de jongler entre divers degrés pour y parvenir mais, globalement, toujours bien maîtrisée et généreuse. Et puis, en plus de tout le talent de Ti West, il faut aussi souligner que l'ensemble est porté par une très bonne distribution d'acteurs, à commencer par Mia Goth que l'on croirait vraiment tout droit sortie des 70's ou la décidément prometteuse Jenna Ortega qui hérite d'un des meilleurs personnages. Au contraire d'une certaine vieille dame insatisfaite, toutes ces forces nous auront plutôt bien rassasiés avec ce film "X".
7.5/10