Réalisé en 1996 par Rintaro, grand nom de l'animation japonaise à qui l'on doit (entre autres) le légendaire Doomed Megalopolis, le film de Galaxy Express ainsi que le plébiscité Metropolis, mais aussi quelques fautes de goût comme la calamiteuse adaptation de Final Fantasy en OAVs, ce film d'animation porte à l'écran le manga éponyme, orchestrant une fin de monde à la japonaise pour laquelle le destin se fait mécanique implacable, et broie aveuglément les malheureux qui se trouvent sur sa route.
Kamui Shirou, celui par qui le monde sera détruit ou préservé, doit choisir son camp : la terre d'un côté, les humains de l'autre. Mais lui ne pense qu'à protéger Fuma et Kotori, ses amis d'enfance, d'un sort funeste dont il est supposé être l'artisan. Entre séquences oniriques absconses, affrontements elliptiques et fulgurances sanguinolentes, c'est tout un théâtre de marionnettes ambiguës qui se démènent vainement avant de tomber une par une au champ du déshonneur. Femmes, enfants, personne n'est épargné.
Le film reprend le matériau déjà névrotique du manga signé Clamp (RG Veda, Tokyo Babylon, Clover, XxxHolic, ...), et le défait de toute lueur d'espoir, toute once d'entertainement, réduisant cette intrigue tortueuse à un jeu de massacre privé de sens, slasher movie inattendu où le spectateur se voit condamné, impuissant, à assister à l'exécution implacable de personnages plus charismatiques les uns que les autres, dans des circonstances plus odieuses à chaque nouveau duel.
C'est à la fois la force et la faiblesse de ce long métrage à la plastique magnifique, joyau d'orfèvrerie en matière de story-boarding et de chara-design (Nobuteru Yuki, valeur sûre de la profession, est ici à l'apogée de son talent) : il pousse jusqu'au bout de l'horreur sa logique fataliste et transcende en cela les limites auxquelles il était supposé se heurter (lors de sa mise en chantier, le manga ne compte que 6 volumes, et l'intrigue n'en est encore là qu'à ses balbutiements), transformant celles-ci en atout de taille, véritable déconstruction nihiliste d'un mythe en devenir... mais en contrepartie, l'ensemble est si noir, si désespéré qu'il est difficile d'y revenir ensuite. Même le déchirant générique de fin, chanté par le célèbre groupe rock X Japan, sonne comme une bouffée d'oxygène tardive après ces 90 minutes de cauchemar en apnée.
C'est à ce même Rintaro que l'on doit d'ailleurs, cinq ans plus tard, le générique d'intro de la série TV, réalisée quant à elle par Yoshiki Kawajiri (Oedo 808, Ninja Scroll, les récents animés Marvel à la sauce japonaise...). Et si celle-ci est loin d'être aussi intense ou esthétisante, elle sait compenser en se montrant plus humaine et moins manichéenne, et en proposant ce à quoi même l'oeuvre originelle n'a toujours pas eu droit - un dénouement convaincant -, rendant ces trois versions complémentaires