Chromosome X.
Si l'on excepte les aventures cinématographiques de Batman et de Superman (tous les deux de chez DC), les super-héros peinaient encore à atteindre nos écrans de cinéma il y a à peine quinze ans...
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le 4 avr. 2014
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Nous sommes en 2021, et on peut dire qu’on revient de vraiment très loin coté adaptations de comics.
Si les supers avaient fait leur irruption assez tôt à la télévision et au cinéma, il avait cependant fallu attendre le Superman de Richard Donner, sorti en 1978, pour que ces derniers bénéficient enfin d’un produit à la fois de qualité, respectueux du matériaux d’origine et suffisamment mainstream pour attirer le grand public.
Un succès indiscutable qui n’avait rien d’assuré quand on voit les autres fruits de cette décennie et qui, au regard de la décennie suivante avant la sortie fracassante du Batman de Burton en 89, fera office de totale exception, preuve s’il le fallait d’une approche encore trop maladroite du medium qu’est le comics pour en faire des films.
Une maladresse qui tâchera à leur tour les années 90, remplies de projets plus variés qu’avant et desquels, malgré le niveau globalement mauvais, sont ressortis une ou deux anomalies désormais cultes comme The Mask ou Blade. C’était à se demander si les adaptations de comics n’allaient pas être reléguées toute leur vie au rang de films de série B sinon pire.
Petite contextualisation : dans les années 90, si DC ploie sous les adaptations de bas étages ou les blockbusters mal reçus par la critique, elle n’en reste pas moins hors de l’eau, en particulier grâce aux films Batman. Un privilège que la Maison des Rêves n’a pas, ses adaptations étant encore moins travaillées que celles de son concurrent. Une situation critique qui encourage la direction à progressivement revendre les droits de multiples supers, notamment ceux des X-Men, rachetés par la Fo, impressionnée par le succès de la série animée diffusée à partir de 1992. En découle une volonté suffisamment précise : faire un blockbuster moderne sur des supers en lui donnant les moyens. À force de développement, Bryan Singer finit par rejoindre le projet après avoir rejeté l’offre à deux reprises, initialement peu féru de comics mais vite conquis par le potentiel de la franchise après avoir découvert comics et série. L’ambition volera probablement trop haut, puisque la Fox menace de rebrousser chemin après la lecture du scénario, jugé trop onéreux. Des personnages et passages sont supprimés, notamment Le Fauve ou Diablo, et des réécritures sont réalisées par Christopher McQuarrie, bien que ce dernier refuse d’être crédité, jugeant que le script conservé reste surtout le fruit de David Hayter, unique scénariste crédité au générique donc. Le casting est progressivement formé avec notamment l’australien Hugh Jackman dans le rôle très attendu de Logan/Wolverine, un choix d’ailleurs décrié à l’époque, les fans jugeant que l’acteur n’a pas du tout la carrure du super-héros.
Et là, le miracle : à l’aube des années 2000, comme Superman l’avait fait avant lui 22 ans plus tôt, X-Men sort en salles et donne un coup de pied monumental dans la fourmilière des adaptations de comics.
Finis les costumes ridicules, finies les productions fauchées, finie la direction hasardeuse des acteurs, fini le traitement souvent à coté de la plaque de ces univers si particuliers. Bye bye les récits ridicules par proxy et place à la concrétisation, pleine de sincérité et de passion, de fantasmes adulescents. Avec X-Men, la limite séparant le pathétique du kitch a enfin été franchie de nouveau, après Batman et Superman lui et quelques mois avant le coup de poing ultime de ce début de décennie dans l’exercice : le Spider-Man de Sam Raimi. Mais ça n’est pas que ça puisque Singer réussi également l’exploit d’introduire au public de ce début de XXIème siècle une palanquée de supers avec beaucoup d’efficacité et de modernité. Bon film en plus d’être une bonne adaption, X-Men est un carton critique et financier. Une suite sera très rapidement lancée, tout cela n’est alors que le début d’une franchise qui, bien qu’attendent actuellement d’être revigorée après son retour dans le giron des Studios Marvel, demeure encore bien présente de nos jours.
Mais qu’est-ce qu’il racontait ce premier X-Men ? Que vaut-il encore après tout ce temps ? Eh bien 21 ans après, je vous propose une petite re-plongée dans un monde aussi particulier que celui des comics : les années 2000, a.k.a. la génération MTV.
Le monde a clairement bougé depuis 20 ans.
Si ça n’était pas pour les moeurs, les enjeux sociaux-politiques et pleins d’autres facteurs qui n’ont pas grand chose à faire ici, une des preuves ultimes est sans aucun doute les films sortis à ce moment-là. Il faut comprendre que les USA à la fin du XXème siècle est un ogre culturel gigantesque, dont l’influence domine le monde entier et dont la tranquillité interne est illustrée à toutes les sauces dans les arts et les loisirs. MTV passe des morceaux légers et dansants mais surtout abêtissants, et la société américaine se repait de son petit confort en regardant des séries comme Friends. Tout va pour le meilleur des mondes, et ça tiendra jusqu’en septembre 2001. Avant ça, les blockbusters ont donc cette patte insouciante pleine d’optimisme et les frayeurs pleines d’action que se permet le grand public se limitent essentiellement aux grosses bébêtes (Jurassic Park, Godzilla), aux invasions aliens (Independance Day) ou encore aux catastrophes naturelles (Armageddon, Twister).
Un monde relativement gentil et droit dans ses bottes donc, que Singer décide de secouer dès sa scène d’introduction, définitivement une des plus mémorables tant elle prend à contrepied absolument tout ce qui avait été fait auparavant dans les films de supers. Le message est on ne peut plus clair : ça n’est pas un film de super-héros ridicules avec des enjeux aléatoires, c’est un monde réel, avec ses vrais conflits, et qui s’avère rempli de gens possédant des pouvoirs exceptionnels, pouvoirs qui sont teasés ici dans un contexte historiquement puissant. X-Men mérite d’être retenu dans l’histoire des films de supers rien que pour cette scène d’ouverture.
Las, le film mérite également d’être pointé du doigt pour ce qui vient juste après, puisqu’il nous présente un des pires cast de la franchise : Anna Paquin, interprétant une Malicia insipide, sans charisme et même parfois agaçante, pour une des scènes les moins convaincantes du film.
Et nous avons là un premier élément pour déterminer si le film a bien vieilli ou pas : avec de tels écarts de style, il a définitivement vieilli, sans parler de l’aspect visuel avec ces couleurs très chaudes, à deux doigts de la saturation. Un contraste qui saute encore plus aux yeux avec cette triste uniformisation visuelle des blockbusters actuels dont les valeurs semblent avoir été réduites, en particulier sur l’utilisation du noir, limite plus proche du gris de nos jours si on grossis le traits. Ça ne rend pas ce X-Men forcément plus beau, mais ça en fait une parfaite capsule temporelle de ce qui était un des standards visuels d’alors.
Nous suivons donc Malicia, adolescente qui découvre par mégarde qu’elle est dotée du pouvoir d’absorber celui des autres, sinon leur vie. Une découverte qui effraie notre première protagoniste et qui l’incite à fuir dans le grand froid et le nulle part, un nulle part dans lequel se cache un des joyaux de cette franchise, incarné avec furie et charme par Hugh Jackman, j’ai nommé Logan. C’est à ce moment précis que le film confirme sa volonté d’être un patchwork moderne et sincère d’action et de kitch pour le plus grand plaisir des amateurs de comics. Nous seront ensuite présentés le reste des protagonistes du film, sans oublier les antagonistes, dont le principal est sans détours un des meilleurs persos adaptés d’un comics touts médias confondus : Magneto, incarné à la perfection par le magnétique Ian McKellen. D’ailleurs une bonne partie du casting est irréprochable, et en plus de Jackman et McKellen, on peut également saluer les parfaites partitions de Patrick Stewart en Professeur Xavier et de Rebecca Romjin en Mystique, sans oublier Halle Berry qui campe une Tornade très convaincante. Pendant que Malicia nous permet de nous accoutumer à ce monde plein de pouvoirs, la rivalité Professeur X/Magneto permet de mettre en exergue l’enjeu majeur du film et de cet univers : l’intégration des supers au sein de la population, parfait écho aux volontés premières des créateurs des persos dans la mesure où les X-Men ont toujours été perçu comme une allégorie des minorités, qu’elles soient raciales ou encore sexuelles, sans oublier la rivalité Xavier/Erik qui est un miroir très évocateur de celle qui opposait Martin Luther King Jr et Malcolm X.
Brian Singer et David Hayter ont donc fait leurs devoirs et rendu une copie sérieuse et réussie sur bien des aspects, et c’est très exactement pour ça que ce premier X-Men tient, malgré des défauts que l’on abordera plus en détail, encore bien la route 20 ans plus tard, ces questions d’intégration et d’acceptation étant toujours autant d’actualité, sinon davantage.
Là où le film « pêche » davantage (autrement que quand il se concentre sur l’insupportable Malicia), c’est dans sa gestion du rythme et de l’action, ainsi que dans ses dialogues ou le traitement de certains de ses persos. C’est ici que l’on prend le doux fumet des années 2000 en plein nez, pour le meilleur comme pour le pire. L’appréciation de ces passages est donc à la discrétion de chacun, mais pour ma part certaines choses m’ont plus sorti du film que d’autres, me rappelant davantage que je regarde un film sorti en 2000 et plus vraiment une histoire moderne avec des super-héros. On a tendance à critiquer le MCU pour son approche de l’humour mais faut pas se mentir, ce n’est pas une qualité que beaucoup de films parviennent à entretenir tout le long de leur runtime et ce X-Men ne fait hélas pas exception à la règle, car si on a un Logan délicieusement corrosif avec une rivalité naissante et amusante contre Cyclope ou des Xavier et Magneto joyeusement flegmatiques, nous avons aussi un Crapaud ridicule par exemple ou encore une des pires punchlines du genre délivrée par Tornade, sans parler du clin d’oeil méta sur les costumes originaux qui aurait probablement été discuté de nos jours. Rien de très méchant non plus cependant car une fois encore : c’est à la discrétion de chacun.
Si le film a bénéficié d’un budget très confortable par rapport aux précédentes tentatives impliquant une oeuvre Marvel, il n’en demeure pas moins contraint par moments, et les scènes d’actions sont probablement celles qui en ont le plus pâti, car entre les saut câblés grillés et les effets spéciaux à deux doigts de cracher leurs poumons (sauf pour les transformations de Mystiques, toujours convaincantes ou bien celle qui concerne le sénateur Kelly), on peut pas dire que ce soit très mémorable, idem pour les décors, hormis les deux principaux : l’école de Xavier et la planque de Magneto. D’ailleurs une des meilleures scènes d’action du film est également une des plus sobres en termes de dégâts et d’ampleur, mais l’enjeu et l’acting sont si bien exécutés que la scène vole la vedette à n’importe quel autre essai plus bruyant et violent. Un gain est également visible coté effets pratiques, notamment cette irruption dans un train qui, de nos jours, aurait forcément été faite en images de synthèse.
Coté montage sonore c’est globalement ingénieux mais peu subtilement mixé, surtout lors de l’introduction de Logan par exemple, dont les éléments sonores seront ajustés avec le temps, et à raisons.
Il y a quelques moments d’essoufflements et quelques facilités scénaristiques, mais dans l’ensemble le film s’apprécie toujours. L’équilibre entre le sérieux mature, le kitch assumé et les petites maladresses en tous genres en font un film de qualité mais qui a définitivement ses défauts. Une adaptation en deçà des cultissimes Batman ou Superman, mais qui n’est pas sans mérites, loin s’en faut !
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Créée
le 23 oct. 2021
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