Le grand manitou de la Fox n'ayant pas accordé à Bryan Singer le délai nécessaire pour faire son "Superman returns" puis le troisième "X-Men", le bébé avait été confié au yes-man Brett Ratner pour un résultat proprement catastrophique, ne retenant que l'aspect spectaculaire de l'entreprise au détriment des personnages, réduits à de simples pantins sans âme. Après le tout autant foiré "Wolverine", on ne donnait pas cher d'un nouvel opus qui sera encore une fois passé sous le nez de Singer (parti faire son "Jack le chasseur de géant" à la post-production interminable) pour atterrir entre les mains d'un Matthew Vaughn tout juste auréolé du succès de son délirant "Kick-Ass".
Visiblement né du projet avorté "X-Men Origins: Magneto", "X-Men: First Class" se situe bien des années avant le premier opus de Singer, auquel il reprend d'ailleurs la première séquence, cette fois vue sous un angle légèrement différent puisque nous dévoilant ce qu'il est advenu au jeune Erik Lansherr pendant l'occupation allemande. Dans la droite lignée des deux premiers volets, cette prequel s'ancre dans une réalité certes déformée mais bien palpable, revenant sur les pages les plus sombres de l'histoire américaine au cours d'une première bobine absolument glaçante.
Sixties obliges, tout le film baigne dans une délicieuse ambiance à la James Bond, "X-Men: First Class" se révélant vite être un pur film d'espionnage, utilisant efficacement l'épisode de la crise des missiles à Cuba comme toile de fond, apportant une véritable tension et un enjeu à la fois politique et humain. Jonglant sans cesse entre suspense et humour, le film de Matthew Vaughn épouse totalement son époque, pure blockbuster pop cachant l'air de rien des trésors d'émotion, notamment lorsqu'il s'attarde sur les souvenirs du futur Magneto, véritable créature de Frankenstein à la recherche de son créateur, et sur sa bouleversante amitié contrariée avec un jeune Charles Xavier étonnamment queutard, croisement improbable entre Bruce Banner et Austin Powers.
Les interactions entre ces deux personnages campés avec intensité par Michael Fassbender et James McAvoy, ainsi que leur destinée, est le point fort du film, culminant dans un final amer annonçant doucement mais sûrement ce que l'on connait déjà. Si les autres protagonistes, bien qu'attachants, ne sont pas aussi développés et demeurent avant tout fonctionnels, on appréciera tout de même le soin apporté au personnage de Mystique, contre toute attente émouvante et interprétée avec talent par la choucarde Jennifer Lawrence, tout comme sa touchante romance avortée avec Hank McCoy (joué par le sympathique Nicholas Hoult qui a sacrément poussé depuis "Pour un garçon"), seul X-Man conservé des premiers comic-books.
Comme tout film "X-Men" qui se respecte, celui-ci souffre malheureusement de bad guys tout simplement foiré si l'on excepte le génial Kevin Bacon, nous offrant un Sebastian Shaw particulièrement diabolique. A l'opposé, ses acolytes sont ridicules et sans saveur, ce qui pose quand même un sérieux problème quand il s'agit d'Emma Frost, personnage important des comics réduit ici à jouer les mannequins, ce que ne vient pas aider le non-jeu de January Jones.
Malgré ces quelques réserves, "X-Men: First Class" est une agréable surprise et se révèle être l'épisode le plus abouti de la saga (en attendant le suivant), une merveille de blockbuster intelligent et spectaculaire juste ce qu'il faut, drôle (le caméo de Wolverine), émouvant et mis en scène avec un réel talent par Matthew Vaughn.