Marco Ferreri dans toute sa plus grande subversion. Filmer de bons samaritains européens auto-proclamés "chevaliers blancs" dans le but de s'offrir une bonne conscience tout en montrant une Afrique hostile et pétrie d'animosités était à priori une démarche pour le moins casse-gueule : le cinéaste s'en tire avec les honneurs, accouchant d'un objet aussi provocateur qu'intelligemment caricatural. Ferreri n'épargne rien ni personne, qu'il s'agisse des indigènes dépeints comme des barbares ou des exotiques montrés sous leur jour le plus timoré et le plus médiocre...
Vu au premier degré Y'a bon les Blancs prend le risque d'afficher un racisme rédhibitoire... finalement trop catégorique et appuyé pour s'avérer convaincu et convaincant sur la longueur. Jouant d'un humour féroce et d'une stigmatisation forcée jusqu'à en devenir étonnamment contre-productive cette satire des "années Kouchner" dérange et sidère par sa dimension acerbe et sans concessions. Marco Ferreri retourne le consumérisme de l'homme européen contre lui-même, reprenant le motif du cannibalisme et celui du culte animiste comme symboles de résistance anticoloniale. Le manichéisme apparent dudit métrage s'effectue ici à double-tranchant, montrant l'autochtone comme une entité défiante et indomptable et le colon blanc comme un individu incapable de perdre le moindre de ses intérêts politiques, économiques et/ou philanthropiques.
Un film qui choque et qui fait très, très mal, logiquement mis au ban des productions filmiques de l'époque compte tenu de son caractère pour le moins impoli et très rentre-dedans. Sur le plan purement cinématographique Y'a bon les Blancs tient du film réalisé au service de son propos... propos beaucoup trop rarement évoqué pour être, de ce point de vue, paresseusement ignoré. Une pépite.