Pour un oublié, "respecter le contrat social" peut signifier "abandonner tout espoir d'être entendu"

Le film est imparfait (la docilité du publique - dont on a cadré les réactions pour simplifier les dialogues et donner toute sa place à Yannick - est parfois déconcertante) mais unique (je n'avais encore jamais ressenti quelque chose comme ça au cinéma) et servi par un jeu d'acteur vibrant (en particulier celui de Raphaël Quenard, puis de Pio Marmaï).

Je pense qu'il alimentera chez chaque spectateur une introspection un peu différente selon la sympathie qu'il est réellement capable d'avoir pour Yannick et son mode d'action. Pour ma part, j'ai trouvé fascinant le soulagement ressenti à l'idée qu'une situation extrême puisse nous extraire de codes sociaux si pesants, voire aliénants.

(Tous les personnages finissent d'ailleurs à leur façon par éprouver ce soulagement, notamment Pio lors d'une scène particulièrement intense).

Ce sentiment ne m'a jamais quitté toute la durée du film, seulement a-t-il été accompagné par une autre idée moins confortable qu'il soulève incidemment : l'existence est-elle si absurde qu'elle nous commande nécessairement de choisir entre la soumission de nos instincts, besoins et envies par peur d'empiéter sur ceux des autres et une voix extrême qui donne enfin corps à nos émotions mais qui, par sa violente rupture du contrat social, contraint très fortement la liberté des autres ?

Au-delà de ce débat philosophique, il y a une réalité bien plus concrète que met en scène ce film : Yannick est une personne isolée pour qui "respecter les codes" signifie "abandonner tout espoir d'être entendu". Aussi, et pour la première fois de ma vie, je me suis ouvert à une idée sur la violence (alors que tout mon parcours personnel, y compris militant, est résolument pacifiste) : et si la violence sociale qui s'exerce sur Yannick n'est-elle pas plus insidieuse, n'excède-t-elle pas de loin la violence psychique qu'il exerce aux victimes de cette prise d'otage ? Sachant qu'elle lui permet peut-être pour la première et dernière fois de sa vie d'être écouté et son existence enfin reconnue dans le regard d'un autre.

Isilcred
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le 11 août 2023

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