RAPHÄEL

Je vais faire court.

On suit une pièce de théâtre, puis quelqu'un vient l'interrompre parce qu'on s'ennuie.

Si vous fréquentait le théâtre amateur, cette situation peut vous être familière.

Mais en générale, justement personne ne dit rien, on part les bourses vides et la bile amère en disant : "la prochaine fois, je regarderais mieux les critiques".

Dans ce dernier Quentin Dupieux, justement, un spectateur décide de ne pas attendre, excédé il s'exprime, envers et contre tous.

C'est là l'idée forte du film, un homme s'interpose. Voilà, il décide d'interrompre... et le temps s'arrête. On l'écoute, puis on s'agite, puis on s'interpose. Et puis on bascule petit à petit vers la folie.

Cette simplicité, permet de voir tout le talent des acteurs, leurs jeux, leurs voix, expressions, leurs mouvements. On retrouve avec plaisir Sébastien Chassagne qu'on avait vu dans la série "irresponsable" et rapidement en tant qu'"enfant bulle" dans le Flambeau de Jonathan Cohen, souvent abonné aux rôles de lâches, suiveur, pseudo absent mesquin d'ailleurs.

On retrouve Blanche Gardin, même si le passage d’humoriste à actrice ne parait pas aller de sois. On (en fait Je hein!) avait été déçu par le film "Tout le monde aime Jeanne !", peut-être dû à la légèreté du scénario malgré la présence du toujours très bon Laurent Lafitte et de petits dessins pour donner du relief à l'ensemble, le style pince sans rire et une voix monotone peut, me semble t-il manquer de force, d'expression, d'énergie, pour être tête d'affiche même pour un film d'une heure trente-cinq.

Pio Marmaï, pour ma part, j'en avais entendu parlé, mais sans l'avoir vraiment vu à l’œuvre. Il est redoutable dans ce film, nickel, aux petits oignons. C'est le leader de la bande des théâtreux, c'est lui qui répond, c'est lui qui va au contact avec le spectateur énervé. Il défend sa pièce coute que coute... puis finalement va peu à peu être infecté par la folie ambiante. Sa prestation est énergique, forte et très convaincante.

Mais enfin, celui pour qui, à lui seul, justifie le déplacement... c'est cet acteur qui nous sort d'on ne sait où, Raphaël Quenard. On (toujours je en fait hein) l'avais vu dans "Chien de la casse" sorti le 19 avril de cette année. Ce premier film de Jean-Baptiste Durand était une réussite, même si là encore on retrouve une grande simplicité. Tout fonctionne dans ce petit film. L'intérêt y est car, combien y a-t-il de films racontant l'histoire de petits blancs de campagne oisifs et désœuvrés ? Pour ma part, je n'en avais vu aucun. Et le sujet est bien traité, car on y retrouve cette atmosphère si particulière, c'est quoi être un jeune dans un village en 2020 ? On se retrouve à la fontaine, cœur névralgique du bled (où ils sont ...genre 6) à fumer des clopes et raconter n'importe quoi, on aide ces petites gens du PMU qui grattent des jeux à gratter mais savent à peine décrypter le résultat, on écoute cette vieille dame qui a eu une autre vie, plus grande, plus vaste, mais qui est réduite à jouer sur son piano droit (un Zimmermann et ça fait bien plaisir de voir cette marque de piano qui est d'ailleurs admirable obiter dictum {et on en a marre de vos "Steinway and Sons", gardez-les vos pianos à 10 000 $ bon dieu de bordel}) vestige d'une gloire passée, ces manouches énervés à 5 en Porsche Cayenne qui ne faut mieux pas embêter... c'est un petit ovni cinématographique où on découvre Quenard donc et Anthony Bajon enfermés dans une relation malsaine d'amis qui n'ont avec l'arrivée de l'âge adulte, plus les mêmes aspirations et qui ne se comprennent plus.

Déjà, on peut clairement voir que Quenard est charismatique, dealer et citant Montaigne, il crève l'écran dans ce rôle d'"ami oppresseur", cultivé mais angoissant, qui vient du peuple mais qui s'élève par la culture.

Et justement, ce rôle s'inscrit dans la continuité de son précédent. Désolé, d'ailleurs mais pour moi, il fait plus que crever l'écran...il est simplement au dessus. Sa diction, son intonation, son énergie si particulière fait qu'il est au dessus de tous. Son rôle n'est pas éloigné de celui de "l'ami oppresseur" dans "Chien de la casse", on retrouve cet aspect de personnalité a priori bienveillante, mais n'ayant pas peur du malaise... Et mais les amis !... mais quels acteurs français peut jouer ça actuellement ? François Civil? Non je ne crois pas non. Pierre Niney ? Pas de cette manière là en tout cas. Cet acteur est rentré dans la cour des grands avec un rôle et une façon de jouer qui lui est parfaitement singulier. Raphaël, je mise beaucoup surtout maintenant, alors ne me déçois pas hein. Tu vas aller très très loin, mais garde la tête sur les épaules hein.