"Les beaux jours de Yeong-ja" est un titre lourdement ironique pour un drame naturaliste qui raconte les mésaventures d'une jeune et jolie campagnarde, venue gagner sa vie à Séoul. En tant qu'aînée, elle espère aider sa mère qui élève ses frères et soeurs. Yeong-ja devient bonne dans une famille aisée, fait la connaissance d'un ouvrier d'usine, Chang-soo, qui tombe amoureux d'elle. Mais la vie de notre naïve compagnarde bascule brutalement. Elle tombe ensuite dans tous les pièges tendus par son entourage.
Le thème principal est l'histoire d'amour entre Chang-soo et Yeong-ja, retrouvée par hasard à Séoul dans des circonstances inattendues (garde à vue d'un poste de police !) Une histoire chaotique et pas vraiment réciproque. En cette période de miracle économique et d'industrialisation forcenée, l'exode rural est massif. Séoul attire de nombreux migrants de tout le pays, dont nos deux jeunes campagnards.
Le film brosse discrètement un contexte politique difficile. Le générique et plusieurs scènes montrent des rafles de police dans les quartiers chauds de Séoul. Les couleurs glauques, les heurts de la caméra et la soumission des passantes évoquent la pression policière et la dictature militaire qui dirige la Corée du sud dans les années 1970. La chasse aux prostituées n'est qu'un symbole - moralement acceptable pour la censure - d'une absence générale de libertés.
Les Etats-Unis financent le régime contre la participation de plus de 300 000 soldats coréens à la guerre du Vietnam (1965-1973). Elle est évoquée par petites touches. Dans un commissariat de police, un flic fait la morale à des vétérans du Vietnam, arrêtés pour alcoolisme et tapage nocturne. Chang-soo a dû quitter son usine et Yeong-ja pour accomplir son service militaire. Des années plus tard, il confesse à son ami du sauna son regret de n'avoir pas été tué au Vietnam...
Yeong-ja l'alouette travaille dans un atelier textile pour une paie dérisoire, puis pour une compagnie de bus, mais la poisse s'acharne contre elle. Une amie de son village l'oriente vers des activités plus lucratives, qui la marquent profondément.
Le film a vieilli à cause d'une histoire d'amour banale et désespérante, du jeu un peu stéréotypé de l'actrice principale et surtout à cause de la désagrégation des couleurs. Rappelons-nous le choc de Martin Scorsese quand il découvre que "Taxi Driver" (1976), tourné et exploité en Eastmancolor, avait viré au magenta vers 1980 ! Finalement, la poisse de l'héroïne coïncide avec le naturalisme poisseux des images, assez typique de certains films des années 1970.