"I didn't want to hurt you"
Young Adult sonne, 4 ans après Juno, comme la réunion bénie du tandem chéri du cinéma indie-sundance américain, avec Jason Reitman à la réalisation, Diablo Cody à l'écriture. Mais derrière l'union sacrée, on est tenté de vouloir débusquer qui est vraiment l'auteur de ce film, son réal cynique et méprisant, ou sa scénariste smartass pince-sans-rire (sauras-tu deviner lequel des deux j'aime, lequel des deux j'abhorre?).
** SPOILER ALERT **
Racontant l'histoire de Mavis (Charlize Theron), une ex-prom queen venue d'un bled paumé du Minnesota, Young Adult explore le "happily ever after" supposé suivre la fin du bal de promo des teen movies de la grande époque. Car Mavis a connu le destin rêvé de toute highschool sweetheart de teen-movie. Elle a gradué en 1996, avec le parfait boyfriend, et est devenue une sorte de Carrie Bradshaw du Midwest (avec en option la grande ville, l'indépendance, le job idéal - auteur à succès -, le corps de rêve et les fringues qui vont avec). Sauf que l'envers du décor de cette réalité sexy HBO est tout autre, à l'image de ce Macbook blanc, symbole de la réussite matérialiste du début des années 2000, mais dont le clavier est désespérement gris-marronnasse-crado et poussiéreux. Il en est de même pour tout ce qui fait la vie de Mavis, qui paraît un brin poisseuse et détestable (thanks for the love, Jason Reitman). Divorcée, carrière en berne, vieillissante, ses jolies tenues reflètent la vanité extrême de ce personnage odieux bien décidé à reconquérir son amour de jeunesse et son passé - lequel amour de jeunesse est marié, heureux et jeune papa dînant à 18h.
La voilà partie dans une quête initiatique à rebours, mixtapes des 90s à fond dans sa bagnole et autres tropes typiques de ce cinéma hipstery qui veut te vendre de la nostalgie par paquets de douze (avec une mention tout de même pour la chanson des Teenage Fanclub, qui hante le film comme le passé de l'héroïne). S'ensuit alors un retour de la fille prodigue dans le bled où elle a grandi, un retour qu'elle croit auréolé de toutes ses gloires de citadine, mais où elle se heurte à des valeurs smalltown ne lui correspondant en rien. Ce qui pourrait commencer comme une comédie prend alors un tour franchement sombre, que la bande-annonce ne laissait pas vraiment présager. Au lieu des joutes verbales, on voit surtout un personnage en crise, une femme cassée en deux se débattant pour retrouver sa gloire passée au milieu d'un ramassis de ploucs assez quelconques. Le film tient littéralement sur les épaules de Charlize Theron, anti-héroïne qui existe au milieu d'un casting relativement sans intérêt. Au moyen de paraboles pas toujours très subtiles, on comprend que cette quête est véritablement un rejet de sa vie présente, une fuite en arrière, un retour dans une zone de confort qu'elle avait laissé derrière elle quand elle était plus téméraire.
Seulement, s'accrocher à son adolescence 20 ans plus tard fait d'elle plus une geek qu'une prom queen, folle pathétique plus que mean girl aux yeux de son ancien entourage. C'est vrai que c'est pas tant que ça un teen movie, finalement, tant ce film nous invite à enterrer l'adolescence pour de bon. On attend cette rédemption qui fait les beaux jours du cinéma de Reitman, cette rédemption moralisatrice gerbante vouée à montrer au public où est la *vraie* vie et où sont les *vraies* valeurs. Magie de sa scénariste, pourtant, il n'en est rien. Les 20 dernières minutes du film, assez déroutantes, éclairent l'ensemble du métrage sous un jour finalement assez nouveau. Ces vingt dernières minutes construisent en effet un personnage diablement "empowering" et sans concession (je voulais mettre "unapologetic", mais j'ai épuisé mon quota d'anglicismes pour cette critique, je crois), faisant par là-même du film une quête des origines visant plus à l'émancipation et à l'acceptation de soi qu'à une quête de valeurs justes procurant un regard de surplomb sur l'Amérique actuelle.
Dit du point de vue d'une Minneapolitaine qui sait ce qu'il en coûte de s'extirper de sa bourgade natale pour voir le monde, et le sentiment amer provoqué par un retour au bercail où on ne se sent plus chez soi (= Diablo Cody, donc), ça procure à l'ensemble une sincérité en général totalement absente des films de Reitman. Rien que pour ça, le film est sauvé.