Le diable s'habille en Hello Kitty
De Charlize Theron, je ne connaissais que les apparitions furtives et bling bling à souhait dans les pub Dior. La perspective de voir encore un mannequin s'essayer au 7ème art est assez barbante et souvent calamiteuse, mais la Sud Africaine s'en sort avec les honneurs. Véritable caméléon de l'écran, Charlize ne recule devant rien, y compris devant le scénario tumultueux du très bon Monster, où cette dernière n'hésite pas à se délester de toute caution "glamour" pour le rôle, en malmenant sa plastique de top model.La rencontre avec Jason Reitman est plutôt plaisante. Si le scénario de Diablo Cody n'est pas légendaire et la mise en scène un brin hasardeuse, le ton caustique du long métrage s'avère distrayant tout en soulevant en définitive pas mal de questions à creuser consciencieusement.
Le film est en effet extrêmement trompeur: à commencer par son affiche , qui présage une rom com frivole et sans intérêt. Young Adult est en réalité très cruel, pour ne pas dire diabolique et se rapproche en cela de Juno. Les deux personnages principaux ( Juno et Marvis) sont toujours d'attachants névrosés, maniant le cynisme comme personne comme moyen de défense, afin de dissimuler toute fragilité, un art du sarcasme ravageur qui les aide à survivre au quotidien. A première vue, Marvis Gary a des airs de garce en jogging et tee-shirt Hello Kitty,qui voue un amour platonique à son ex du lycée.
Pathétique et détestable au début du film, Marcy révèle par la suite des fêlures et une profonde solitude caractérisée par l'absence de final héroïque: Marcy erre sans but, ne va nul part, écrit des romans à l'eau de rose pour ados qui n'intéressent plus personne, est aussi vaniteuse que son quotidien est vain. Mais Marcy est juste dans le déni, n'est pas ce qu'on pourrait appeler une perverse narcissique car celle-ci est tout de même capable d'être altruiste. On découvre d'ailleurs qu'elle souffre de trichotillomanie ( elle s'arrache les cheveux), manie pas si anecdotique témoignant d'un déséquilibre psychologique et d'une angoisse latente.
A l'instar de Juno, elle est perpétuellement en décalage et mène une existence morne, avachie devant la télé à descendre des litres de Coca Light ou à jalouser sa "rivale" avec une grande tristesse habilement masquée d’ignominie. On pourrait également rapprocher Y.A de la Revanche d'une Blonde, qui dépeint le complexe d'une poupée Barbie avec caniche inclus, prête à tout pour reconquérir son ex, y compris à littéralement se ridiculiser, mais qui est en réalité bien moins creuse qu'elle n'y parait. L'humour se fait alors grinçant et crée un malaise touchant.
Ainsi, Marcy a toujours 16 ans d'âge mental, qu'elle soit affublée d'une robe de vamp ou d'un look d'ado attardée et n'a pas évolué, à la différence de son ancien petit ami. Elle retourne chez ses parents comme si le temps ne s'était pas écoulé, se comporte toujours comme la biatch du bahut. Entre envie et répulsion, Charlize revient au bercail mais complote avec un laissé pour contre, un exclus du lycée avec qui elle forme un tandem saugrenu et joyeusement démoniaque. Si la pauvreté du scénario peut décourager en apparence, elle exprime quelque part l'absence de cheminement concret des personnages, perdus entre amours imaginaires et adulescence prégnante.