Un danseur qui ne voulait pas danser

Evidemment, Yuli m’a replongée au cœur de la Havane, ma chère Havane. Impossible pour moi de ne pas visionner ce film sans éprouver cette profonde nostalgie qui me serre dès que je ressonge aux douces années passées à La Havane. Impossible non plus de ne pas repenser aux spectacles que j'ai vus de l'école de danse Acosta Danza...


Alors je me dis que ma critique est vraiment ponctuée de cette nostalgie et des sensations qui me traversent lorsque je pense à la Havane, ma chère Havane. Du malecón jusqu’aux guaguas, ou encore entre les racines qui sortent des bâtisses du Vedado.


Yuli est le second film que je vois au cinéma depuis la réouverture des salles. C’est émoustillée que je suis entrée dans la salle, ravie d’être seule entre les rangées de fauteuils rouges et rassurée de ne pas avoir à m’inquiéter de la distanciation avec d’autres personnes.


Quand le film commence, je suis prête à me rappeler la Havane, ma chère Havane, avec la curiosité de découvrir comment Carlos Acosta a raconté le racisme de Cuba et du monde du ballet. Je me souviens de la première fois où j’ai entendu parler de Carlos Acosta à La Havane, quand mon amie Talía m’a raconté comment ce grand danseur est parti faire carrière à l’étranger et comment il est revenu dans son pays, défiant le racisme qu’il a subi depuis son enfance.


Je repense aussi aux recherches que j’ai faites sur l’art du ballet, et au profond mépris que j’ai développé lorsque j’ai découvert que cette danse était une danse des colons blancs pour contraster avec les danses africaines qui, elles, s’ancraient au sol. Soit, se hisser sur la pointe des pieds pour mieux dominer. Aujourd’hui je ne m’étonne plus de l’élitisme blanc de cette danse, et je comprends l’enracinement du racisme dans les arts, tandis qu’avant je m’infligeais de l’absence de personnes noires dans les ballets nationaux.


Je m’attendais à voir un film très politisé, très antiraciste. Quelques heures plus tôt, quand j’ai vu que Yuli était sorti dans les salles de Montréal, c’est la présence de Carlos Acosta dans son film qui m’a convaincue de me précipiter à la prochaine séance. D’habitude, je ne raffole pas des biopics, qui sont souvent romancés et éloignés de la réalité. Mais, cette fois, je me suis dit que Carlos Acosta ayant lui-même participé au film, il ne pouvait pas y avoir de faux-pas.


C’est donc avec toutes ces attentes que j’ai ouvert mes yeux en grand. Je ne m’étais pas trompée.


Yuli évoque en effet le racisme du ballet national de Cuba, mais surtout, il dresse le portrait touchant d’un danseur qui ne voulait pas danser, d’un enfant qui ne voulait qu’être auprès de sa famille, d’un homme déchiré par un exil qu’il n’a pas choisi et par des choix qui n’étaient pas les siens. C’est avec beaucoup de surprise que j’ai découvert cette facette de la vie de Carlos Acosta, ignorant complètement qui il était et quel avait été son parcours en tant que danseur noir cubain.


Une triste émotion traverse sans répit le film du début à la fin, sans pour autant nous noyer dedans. On découvre l’histoire de Carlos Acosta de par son enfance et de par sa famille, depuis son départ jusqu’à son retour à Cuba. J’ai vraiment apprécié me laisser emporter dans cette émotion, car la réalisation la rend sincère et réelle.


Carlos Acosta lui-même a participé au film, et cela se sent : pas de superflus autour d’une histoire romancée, ni de scène larmoyante sortie d’un scénario hollywoodien. Non, Yuli n’a rien de tout ça. Yuli raconte simplement et superbement le déchirement d’un enfant qui ne voulait pas danser et qui est devenu l’un des plus grands danseurs du monde.

SoyAne
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le 28 juil. 2020

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