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Quel plaisir de remonter la filmographie de Costa-Gavras que j’ai découverte par la fin. En arrivant devant Z, on ne peut qu’avoir l’esprit ouvert à ce qui été considéré à sa sortie comme le “premier film politique français”, une oeuvre qui allie aisance de la lisibilité par une mise en scène orientée vers le grand public, et fourmillement de messages qui ne se voient que mieux véhiculées par l’accessibilité du tout. Car le cinéaste a des choses à dire. Basé sur le roman du même nom par Vassílis Vassilikós, Z évoque sans le citer l’assassinat du député Grec Grigóris Lambrákis, opposant au gouvernement autoritaire, maquillé en accident et menant à la prise du pouvoir de la junte, la Dictature des Colonels. Gavras y voit une occasion de traiter de son pays natal, tandis que le scénariste Jorge Semprún, avec lequel il collabore, y voit l’occasion parfaite pour aborder le franquisme qui l’a mené à l’exil.
Z, symbole signifiant “il vit” en grec ancien, c’est donc cet assassinat par le parti au pouvoir dans un pays jamais nommé, et l’enquête qui en découle. Rapidement classé comme un bête accident de la circulation, il faudra que le juge d’instruction incarné par Trintignant, intègre et hargneux, déjoue tous les obstacles qu’on mettra sur son parcours. Extorsions, chantages, corruption et intimidations gangrènent l’affaire qui implique une palanquée de hauts placés (qui eux comparent le progressisme social au mildiou). Un film policier donc, où la frénésie du montage retranscrit la tension - là un insert sur une goutte qui perle, ici un zoom sur un coup d'œil furtif et inquiet à son voisin.
Une enquête à charge contre une machination étatique qui exploite la plèbe, où le mur de l’ignorance et de la connerie crasse bien entretenues par le système permet que se hisse un fascisme fort aise. Une belle création d’un peuple réfractaire au changement, alors même qu’il propose une embellie sociale, car manipulé pour haïr par le pouvoir en place. Diviser pour mieux régner. Et le témoignage spontané d’un simple citoyen, honnête (quand bien même sa motivation est puérile), semble pouvoir faire pencher la balance du discours tenu en refusant la passivité.
"Semble". Car si tout paraît aller dans le bon sens, vers un dénouement qui verrait les coupables punis et la justice servie, on se souvient de l’encart introductif : « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n'est pas le fait du hasard. Elle est volontaire. ». On sait que dans le réel, ça ne se passe pas comme ça. On aime abattre les hommes de paix. Et ce sont donc les deux dernières minutes qui viennent enfoncer le clou du film réquisitoire. Inéluctable constat d’un système grippé, sans surprise mais néanmoins glaçant. On aimerait que ce soit du pessimisme et non du réalisme, mais le progrès social n’est toléré que s’il n'entrave pas les plans des élites.
Un demi-siècle plus tard, on fait le point?