Z, ça veut dire qu'il est vivant.
Il est vivant, et il parle.
Et pourtant, ils ont tout fait pour le faire taire. Ils ont fait pression sur les propriétaires de salles, pour qu'il ne puisse pas faire ses discours.
Ils ont mis des policiers en civil parmi les manifestants, pour echauffer les ardeurs et créer des débordements.
Ils ont arraché les affiches et intimidé les opposants.
Ils ont menacé notre député.
Et quand ils ont vu que cela ne suffisait pas, ils l'ont tué.
Mais est-ce qu'on tue une idée ?
Est-ce qu'on emprisonne une démocratie ?
Oui.
On peut emprisonner une démocratie.
Par petites touches, sans s'en rendre compte.
Par une alliance contre nature entre militaires, politiciens, groupuscules extrémistes, religieux.
Par le mensonge érigé en méthode de gouvernement.
Et par la complaisance passive d'habitants qui trouvent préférables de s'aveugler.
Z, c'est la Grèce tombée aux mains des colonels.
Z, ce sont les Républicains espagnols trahis par Staline, abandonnés par les démocraties européens, et massacrés par Hitler.
Z, c'est un président américain assassiné par les extrémistes de son pays, voire même de son parti.
Z, c'est chaque fois que la démocratie recule.
Bien entendu, dans ce film réalisé par un cinéaste grec, deux ans à peine après l'instauration de la dictature des colonels, tourné en Algérie parce que ça ressemble beaucoup à son pays, on ne dit jamais que nous sommes en Grèce. Le pays est inconnu. Les personnages n'ont d'ailleurs pas de nom, ils sont désignés par leur fonction : général, colonel, procureur, journaliste...
Et pourtant, les allusions à la Grèce sont transparentes, dès le générique, où l'on voit des inscriptions en alphabet hellénique.
Mais le scénario, écrit par Costa-Gavras et Jorge Semprun (qui a tant souffert par la faute des dictatures), va bien au-delà du seul cas de la Grèce. Ce que montre Z, c'est comment une démocratie abrite, en elle-même, ce qui cherche à causer sa chute.
Z se divise en deux parties distinctes. D'abord l'assassinat, puis l'enquête.
Cette enquête sera menée par le substitut du procureur. le choix paraît judicieux, tant le personnage apparaît, de prime abord, très timide et vulnérable. Il sera si simple de l'influencer sans qu'il s'en rende compte. La conclusion est dictée avant même le début de l'enquête : c'est un accident de la circulation. Point barre.
Pour nous, spectateurs, il n'y a aucun doute. Le cinéaste nous a montré l'assassinat. La vérité, on sait où elle se trouve. Mais le suspense est ailleurs : le procureur va-t-il aboutir à la vérité ou va-t-il plier devant ses supérieurs ?
Cette enquête, montrée de façon minutieuse, est un modèle. On y voit le frêle procureur devenir un redoutable homme de justice. On y voit ce qui arrive quand un homme enquête sans préjugés ni a priori, sans se laisser dicter ses résultats à l'avance, sans volonté partisane. Un exemple.
Z est un grand film.
Plus que ça : Z est un film nécessaire.
De même que les deux films qui le suivent et constituent, avec lui, la trilogie de Costa-Gavras sur les dictatures : L'Aveu et État de siège (film trop sous-estimé, à re-découvrir d'urgence).