Ne nous en cachons pas, un tel projet n'aurait jamais vu le jour sans un nombre important de facteurs: lancement poussif de HBO Max (service de streaming propriété de Warner), fermeture des salles obscures due à la crise sanitaire mondiale, refonte du marché de la distribution des films ... Le studio a trouvé donc ici autant une opportunité financière de rattraper quelque peu l'échec au boxoffice du film (en rajoutant tout de même 70 millions $ sur la table au budget initial) que de le réhabilité à la vision artistique et initiale de son géniteur Snyder, telle qui l'avait en tête en postulat de départ.
Et dire que ce projet a pu aboutir à la demande générale des fans alors la véracité même de cette version à la base n'en était qu'au stade de simples rumeurs, en fait un cas quasi-unique dans la sphère cinématographique. D'autant plus, qu'il s'agit là d'un désaveu complet de l’œuvre de Whedon (et des exécutifs de la Warner de l'époque) de la part d'un grand studio qui plus est, ce qui fait que cette remise en question reste une anomalie dans le paysage Hollywoodien.
Pour en revenir à l'aspect du film à proprement parlé, on peut résolument dire que cette nouvelle version (ou initiale plutôt) éradique totalement la précédente sur tout les aspects. Le point commun reste la trame scénaristique de base qui n'a fondamentalement pas changée mais qui est ressort malgré tout, grandie.
Ici tout est mis en œuvre pour baffer le spectateur d'une grosse claque de 4h qui passent littéralement à la vitesse de l’éclair. D'un point de vue visuel, on retrouve clairement le style Snyder encore plus sombre qu'à l'accoutumée et les séquences épiques s'enchainent à un rythme effréné, très loin de frôler l'overdose de VFX pourtant extrêmement abondants mais, dans l'ensemble, assez réussis. Tant est si bien, qu'au bout seulement d'une heure devant notre écran, on en voit bien plus que dans la plupart des œuvres du genre. Pas de moment de creux, ni d'ennui profond comme on aurait éventuellement pu s'y attendre sur un métrage de ce type de longueur.
Et c'est bien là, que cette Snyder's Cut réussie bel est bien son pari: apporter une énorme profondeur à son récit, pourtant handicapé par un scénario original portant extrêmement basique (voire très limité) et d'y insuffler une épaisseur morale plus importante à certains de ses personnages. L'interaction entre les protagonistes est beaucoup plus aboutie même si on regrettera parfois un peu plus de subtilité et d'émotion dans le propos global et les scènes clés. Cependant, on ressent tout l'amour de son réalisateur pour le matériaux de base, de la façon dont il a pensé, modelé, façonné son univers. En s'affranchissant des carcans habituels, il arrive même à transcender le blockbuster moderne vers un style beaucoup plus mélancolique notamment dans son épilogue.
Quant à elle, la bande original de Junkie XL (ayant été totalement repris de zéro, exit la compo Elfman) apporte également une tonalité plus en adéquation avec les travaux précédents du réalisateur. Couplé par moment avec certains morceaux de Zimmer, elle apporte plus de cohérence au propos d'un point de vue général.
Car en toute fin, le sentiment prédominant reste celui d'une grande frustration de ce qu'aurait été cette mythologie version Snyder (prévue en 3 parties initialement). En enchainant les séquences dans sa conclusion, plusieurs pistes laissent entrevoir une éventuelle suite qui aiguise un peu plus notre appétit. Mais force est de constater, que cela ressemble plus à un chant de signe, comme pour nous dire qu'il a été au bout de son propos. Du drame personnel qui l'a touché en cours de tournage et qui l'a mené à quitté la barre du navire (le suicide de sa fille Autumn). Cette reconstruction dont il a dû faire preuve dans sa vie personnelle, en est le résultat ici également à l'écran. Le parallèle y est indissociable notamment dans les thèmes abordés mais aussi dans le changement du ton de son propos. Et ça se ressent !
En ayant été au bout de lui même, Snyder offre un cadeau miraculeux (dans sa genèse) destiné à ses fans avant tout mais aussi au genre super-heroique en général. Du statut d’œuvre malade accouche un grand film qui ,même s'il est imparfait, marque les esprits.