J’ai vu un film signé Lucrecia Martel. Je m’étais juré depuis La femme sans tête qu’on ne m’y reprendrait pas, mais les éloges à propos de Zama, un peu partout autour de moi et dans la presse cet été, n’ont cessé de me faire de l’œil. Alors je ne sais pas quoi en penser. Pire je ne sais pas si je saurai quoi en penser un jour. Je n’ai strictement rien compris, ni au récit (si ce n’est cette vague idée d’émasculation coloniale) ni à ce que me racontait Martel, mais c’est pas très grave, car j’étais bien devant comme rarement je m’étais senti aussi bien devant un film qui me tient tant à distance : J’ai aimé ses plans, ses profondeurs de champs, ses cadres (portes, fenêtres…) dans le cadre, ses nombreux cris d’oiseaux, ses dissonances image/son globales – D’ailleurs, c’est quoi ce son, avec sa tonalité sourde, comme en chute libre, qu’on entend trois fois dans le film ? La première fois j’ai cru que j’avais un souci avec mes enceintes ! – mais je regrette que le film soit si bavard. J’aurais aimé qu’on vise davantage le Jauja, de Lisandro Alonso ou le Honor de Cavalleria, de Serra. J’ai aimé cette histoire de poisson-chat rejeté par les eaux comme l’est ce conquistador par son monde. Il y a quelque chose de Profession : reporter dans Zama, quelque chose d’une énorme crise d’identité. En tout cas, plastiquement c’est fou, aussi bien dans ses intérieurs confinés que ses extérieurs immenses – Ce plan de cortège de chevaux traversant une infinité de palmiers, punaise. Car elles se méritent, mais les vingt-cinq dernières délirantes minutes sont merveilleuses, hallucinogènes. Bref, ravi de l’avoir vu. Pas impossible que je retente l’expérience un jour, qui sait.