Zero Dark Thirty par cloneweb
Zero Dark Thirty. Ou 30 minutes après minuit dans le jargon militaire. Soit l’heure à laquelle la mission destinée à capturer Oussama Ben Laden a commencé, presque dix ans après les attentats du 11 septembre qui changeront la face du monde.
Zero Dark Thirty ou la reconstitution minutieuse et particulièrement réussie d’une traque qui fut presque sans fin.
Quand Kathryn Bigelow s’est intéressée au chef d’Al Quaida, c’était à l’origine pour réaliser un film écrit par Mark Boal (Démineurs) sur l’échec de la mission. La pré-production avait à peine commencé que Ben Laden fut abattu. Bigelow et Boal se sont donc remis à l’écriture, faisant table rase de ce qui avait été préparé, ou presque. En effet, le scénariste et journaliste avait déjà pris des contacts au sein de l’armée américaine et ceux-ci ont tout autant pu resservir que le repérage qui avait commencé.
Mais ce qui devait être une ouvre de fiction s’est transformée par la force des choses en un film-reportage. Il fallait en effet que le film soit désormais conforme à la réalité. La réalisatrice a eu accès à de nombreux documents classés ainsi qu’à des enregistrements pour faire en sorte que son long métrage soit fidèle à ce qui s’est passé, en faisant prononcer à ses personnages des citations réelles et allant jusqu’à reproduire à l’identique la demeure dans laquelle Ben Laden se planquait, jusqu’à l’emplacement exact des meubles. Bigelow offre donc un récit du réel mais avec ses propres images, allant aussi jusqu’à reproduire certains incidents historiques comme l’attentat du bus de Londres de manière à ne pas avoir à utiliser d’images d’archives et en y ajoutant une dose de fiction.
La première force de Zero Dark Thirty est donc sa reconstitution minutieuse. L’autre est sa narration. Kathryn Bigelow offre 2h40 de spectacle pendant lesquelles on ne s’ennuie (presque) jamais -il y a peut-être dix minutes en trop. L’histoire a beau se dérouler sur plusieurs longues années, le spectateur ne voit pas le temps passer, notamment grâce au déroulement en flux tendu, se focalisant sur le personnage de Maya et sur son acharnement à arriver au bout de sa mission, sans temps mort, évitant de trop montrer que l’enquête fut longue si ce n’est à travers quelques repères temporels insérés à l’écran.
Parfaitement réalisé, offrant quelques plans assez fous, superbement éclairé notamment lors de la scène finale de l’assaut, le film est soutenu par Jessica Chastaing sans doute dans son meilleur rôle. La comédienne porte le film sur ses épaules et livre une prestation de haute volée, de jeune agent de la CIA qui évolue au fil des années, de la jeune femme frêle parachutée au Moyen Orient à celle qui tiendra tête au Secrétaire à la Défense à Washington. Accompagnée par des seconds rôles tout aussi bons (Jason Clarke notamment), sa ténacité et son charme font mouche de bout en bout.
Le film de l’ex-femme de James Cameron ne fait jamais dans la dentelle. Chargé de décrire les faits, il montre quand même l’usage de la torture tel que l’autorisait le gouvernement Bush à travers quelques scènes particulièrement difficiles (dont une faisant office d’ouverture du film) et finit par dire que la solution est ailleurs puisque c’est à travers d’autres méthodes que le personnage de Maya finit par obtenir ses infos (sans parler du fait que l’administration Obama a fait cesser ses pratiques brutales). Il n’y a donc pas de raison de polémiquer sur le sujet, juste de constater des faits sans doute avérés.
Il sera aussi intéressant de voir que le film, réalisé par une femme, est porté par une autre et que c’est donc une femme qui capture Ben Laden, un intégriste dont les pratiques le font considérer les personnages du sexe opposés comme des moins que rien.
La dernière demi-heure, très attendue, est à son tour un monument de reconstitution, taillée au cordeau. On en dira pas d’avantage.
Zero Dark Thirty est donc un film passionnant, maitrisé, minutieux et s’il était sorti quelques semaines auparavant il aurait tout simplement trouvé sa place dans le haut du des classements de l’année 2012. Sorti ni trop tôt ni trop tard, sans vouloir être politique ni racoleur, le film ne fait que relater des faits historiques. Et il le fait bien.
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