La conquête se leste.
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Le Zodiac, c'est ce tueur en série qui a sévi dans la baie de San Francisco dans les années 1960 et 1970. Jamais arrêté par la police, pas très clairement identifié, on lui attribue selon les chroniqueurs entre une trentaine et jusqu'à deux-cents meurtres. Glacial !
Adapter cette histoire au cinéma était plutôt fastidieux sachant qu'elle s'est déroulée sur près de 20 ans et que 2500 personnes ont été suspectées. Grâce à Robert Graysmith, dessinateur au San Francisco Chronicle, le réalisateur David Fincher a pu trouver un angle d'attaque pertinent.
J'aimerais commencer cette critique en citant une phrase tirée du livre de Robert Graysmith, sur lequel s'appuie le film :
Il faut construire Zodiac à partir de sa vérité émotionnelle, plutôt que de sa vérité factuelle.
Force est de constater que le metteur en scène a non seulement réussi à introduire dans son long-métrage une palette émotionnelle (la peur, la stupeur, l'excitation), notamment à travers le personnage principal incarné par Jake Gyllenhall, et qui n'est autre que Robert Graysmith ; mais il a aussi réussi à retranscrire toute cette enquête de manière minutieuse.
Le film débute dans le nuit du 4 juillet 1969. Deux jeunes gens sont tranquillement en train de discuter dans leur automobile, garée sur un parking isolé. La jeune fille décèdera des suites de ses blessures. Le jeune homme survivra miraculeusement. C'est le premier meurtre que revendique le tueur. Cette première scène permet de donner le ton du film : violent. Mais cette violence restera jusqu'à la fin du film plus psychologique que visuelle. En effet, les effusions de sang sont brèves et le visage du tueur est toujours volontairement caché. En tant que spectateur, cela nous incite à la vigilance. Et cette relation qui se crée entre nous et les personnages est d'autant plus intéressante que la tension monte crescendo. Si j'aime ce film, c'est bien sûr pour son excellente reconstitution de la Californie des années 1960-1970, mais c'est surtout pour la vanité du tueur.
En effet, et c'est le propre de nombreux tueurs en série, le Zodiac avait tellement confiance en lui qu'il a envoyé pendant de nombreux mois des courriers à la presse et à la police en les narguant. Les courriers étaient presque toujours complétés par des messages codés. Cela a même nécessité l'intervention d'un graphologue. En vain. Cette relation particulière avec la presse est filmée par le cinéaste avec une certaine appréhension dans le regard des acteurs. C'est notamment vrai lors de l'ouverture de la première lettre. Une réunion de crise est organisée. Des coups de fil sont donnés. C'est inédit !
Saluons maintenant la qualité scénaristique de l’œuvre, très détaillée, comme si on y était. Pourtant, refaire l'histoire, se replonger dans près de 20 ans d'enquête, c'est bien évidemment quelque chose de très compliqué. Fort heureusement, David Fincher décomplexifie le récit en s'attachant aux événements les plus importants et surtout en démystifiant certaines légendes urbaines grossières à propos du tueur. Cette obsession pour les détails n'est pas faite dans le but de convaincre le public. A la différence de l'excellent "JFK" d'Oliver Stone et de son monologue final, "Zodiac" nous présente une vérité tout en laissant planer quelques doutes. L'idée n'est donc pas d'être convaincu, c'est plutôt de ressortir du film en ayant compris quelle était l'ampleur des événements et combien cette affaire a pu peser sur Graysmith. Le film lui rend en quelque sorte hommage et c'est très mérité. Sans lui et sa quête pour la vérité, l'affaire aurait sans doute fini aux oubliettes.
Avec "Zodiac", on redécouvre l'acteur Robert Downey Jr., catalogué has-been dans les années 2000. S'en suivra pour lui "Iron Man" et d'autres films à succès qu'on connait bien. Dans son rôle de journaliste charismatique, obsédé par l'affaire du Zodiac, il propose un jeu d'acteur d'une certaine gravité. Jake Gyllenhall, quant à lui, incarne avec brio le héros candide bien décidé à ne pas se désarçonner. A noter également la présence convaincante de Mark Ruffalo dans ce rôle de flic dépassé par les événements. Enfin, j'avoue avoir bien aimé l'apparition de Brian Cox, plutôt furtive, mais toujours assez grande gueule comme il en a l'habitude.
Au final, je trouve ce film fascinant. Pour l'avoir vu à plusieurs reprises, je trouve que David Fincher signe ici son meilleur film. C'est d'ailleurs grâce à cette œuvre que je me suis par la suite passionné pour cette affaire. J'ai donc également lu le livre de Graysmith, une mine d'or pour ceux qui sont intéressés par cette enquête.
Ma note : 10/10.
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Créée
le 21 août 2017
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