En Russie, les deux premiers films de fiction d'Ivan I. Tverdovsky (Classe à part puis Zoologie) ont suscité des réactions opposées : d'adhésion ou de rejet. Pas de demi-mesure face à un cinéma singulier qui, à sa façon, est aussi critique à l'égard de la société russe que ceux de Zviaguintsev ou Bykov. Le pitch de Zoologie est simple : un matin, Natacha, la cinquantaine bien avancée, se réveille avec une expansion latérale mobile et articulée, autrement dit une queue, comme un animal. Un appendice qui va changer la vie de cette femme effacée et sans désirs. Le film, malgré cet ajout fantastique, lorgne plutôt du côté de la fable sociale, telle qu'elle existe chez Kafka ou, mieux encore, chez Gogol. Zoologie prend un parti pris réaliste mais le réalisateur tâtonne un peu dans l'utilisation d'une excroissance qui aurait pu le faire pencher vers des rivages cronenbergiens. On regrette cette hésitation alors que le film se révèle à l'occasion remarquable, l'espace de plusieurs scènes (celle du zoo, par exemple). Parfois, le ton est presque à la comédie mais le scénario ne choisit pas une voie plutôt qu'une autre et reste somme toute dans une neutralité surprenante. Comme dans Classe à part, il y est bien entendu question de "différence" et d'ostracisation dans une société russe de plus en plus obsédée par le consumérisme avec des envies standardisées où tout le monde finit par se ressembler dans son mode de vie. Reste qu'à moins de 28 ans, Ivan I. Tverdovsky, comme son camarade Kirill Serebrennikov, représente l'avenir du cinéma russe. On retrouvera le jeune réalisateur d'ici peu en compétition au festival de Cannes. Même pas besoin de parier, c'est une évidence.