Zorn I (2010-2016) par Enzo

[Publiée le 4 Novembre 2023 sur Un Certain Cinéma]

Des années de prises d’images et de sons exorcisées de toute intention de réalisateur, un montage sur un coup de tête, une sortie dans l’indifférence presque totale si regrettable. Ainsi est possible de résumer la naissance de l’ensemble Zorn, actuelle trilogie qui ne demande qu’un nouvel opus, sinon plus. Mathieu Amalric, déjà fort d’une carrière d’acteur et de réalisateur importante, s’offre un projet à la démarche expérimentale, si ce n’est underground, où la musique, comme œuvre et travail du génie John Zorn, est le sujet.

Aux rimes des vidéos et des harmonies teintés d’improvisations et entremêlés dans des répétitions d’un perfectionniste ambitieux et optimiste, Zorn I / II / III s’impose comme un documentaire majeur sur l’art des sonorités émancipatrices.

Chaque composante de cette trilogie semble, par la force d’un montage et d’une logique devinée a posteriori par le cinéaste français, se distinguer des autres par un sujet ou un traitement plus particulier, singulier. En premier lieu, les admirateurs de voyages musicaux peuvent trouver en Zorn I la puissance envoûtante de la fascination de Mathieu Amalric pour le musicien new-yorkais. Ce dernier, immense saxophoniste par ailleurs, retrouvent plus que son œuvre, sa philosophie, comme objet central d’un deuxième épisode qui cite avec brio le cinéma à travers Maya Deren ou Kenneth Anger. Dans un dernier temps, il est possible de retrouver l’intérêt particulier pour un « détail » – selon les mots prononcés par Amalric – de la création, le travail précis et épuisant d’une collaboration merveilleuse entre John Zorn et Barbara Hannigan.

Chacune des étapes trouve sa force dans la volonté par le montage d’aller puiser au fond de chaque plan, chaque séquence, chaque morceau. Plus qu’un sujet, la musique est une source d’inspiration pour un assemblage d’images qui s’enchaînent, s’enlacent, se complètent, se confrontent. Le montage se voit offrir sa juste place dans le processus créatif cinématographique, fruit d’un tournage désintéressé de toute volonté de film comme achèvement.

Zorn I / II / III est le documentaire à voir pour passionnés de musique, mélomanes, amoureux de sublimes sonorités, mais aussi aspirants monteur, documentariste, ou d’autres simples fascinés par l’essence même des images. Plus qu’un travail merveilleux sur John Zorn, il s’agit d’une création comme il en existe si peu et dont il est de plus en plus rare d’en voir l’émergence de nos jours.