Vingt deux ans que l'Apartheid a été aboli. Néanmoins les inégalités subsistent : les blancs habitent des villas de luxe alors que les noirs continuent à pourrir dans leurs townships.
A la criminelle du Cap, deux flics de couleurs différentes travaillent main dans la main.
L'Afrique du Sud aurait donc pardonné et tiré un trait sur son passé. C'est en tout cas ce qu'aimerait faire croire, et croire lui-même, le noir du tandem (Ali Neuman). Il a pourtant toute les raisons de vouloir se venger, son père a été brûlé vif sous ses yeux et lui-même émasculé par un clébard de la SAP.
Lui à pardonné. Ce n'est pas le cas de son coéquipier blanc (Brian Epkeen), une épave qui traine une quantité de casseroles à faire pâlir Pete Doherty (alcoolisme, dépendance aux médocs, aux filles..). Sa plus lourde c'est sans doute son père. Ce dernier gît dans une tombe anonyme. Il était procureur lorsque la commission de vérité et de réconciliation devait faire son boulot, la Justice. Seulement de justice il n'y en a pas eu et les gredins du Parti National s'en sont tirés.
Pire, certains fomentent en cachette une arme diabolique, une molécule, véritable bombe ethnique destinée à exterminer la population noire. Le précieux sésame sert à couper une drogue très largement consommée dans les townships, donc par les noirs. Elle a pour but de les faire s'entretuer ou de les pousser aux suicides.
La distribution c'est le Chat qui s'en occupe, un dealer noir plus attiré par la couleur de l'argent que par celle de sa propre peau.
Par deux fois malheureusement, c'est la mauvaise couleur qui trinque : deux jeunes femmes de bonnes familles ont goûté à la tik, la fameuse drogue. Leur couleur leur confère l'attention exclusive de la police du Cap. Tant pis pour les enfants noirs qui disparaissent par lots. C'est là que l'enquête commence.
Le film, âpre, brutal et très violent, suit la descente aux enfers des deux flics campés par Orlando Bloom et Forest Whitaker. Si le second, parfait en homme déglingués de l'intérieur (il donne du plaisir aux femmes pour mieux se punir), nous a habitué à l'excellence, c'est du premier que vient la surprise. Sans jamais avoir douté d'un réel talent, il m'a bluffé en flic ravagé. Sa composition n'a rien à envier à celle de Keitel dans le Bad Lieutenant de Ferrara. Le reste du film fonctionne plutôt bien, notamment lors de deux séquences (l'une à la plage, l'autre dans le désert namibien), et le doit notamment à la photogénie folle du Cap. La ville est faite pour le cinéma : villas de luxe accrochées à la falaise et townships débordant de misère, brume sur les montagnes alentours et soleil brulant sur la plage, il y a tout au Cap. Il n'y a qu'à la filmer. On y sent même l'équilibre fragile entre la paix et le chaos.
Il s'agirait d'un film sur le pardon. A voir les dernières séquences, on en douterait. L'espoir n'y est pas permis.
Pourtant c'est bien le flic blanc, initialement prêt à les tuer tous, qui demande à son coéquipier, pacifique à la base, de laisser faire la justice. Mais c'est trop tard pour lui. En lui enlevant ce qu'il avait de plus cher, c'est toute la haine emmagasinée qui se déchaine. Et l'issue ne peut être que sanglante. A part Bloom, personne ne saura de toute façon. Il était seul et son émasculation le privait de tout futur. Il était un produit de l'Apartheid. Il a terminer d'y mettre un terme.
Lors de la dernière scène, au moment d'écrire l'épitaphe de son ami, Bloom écrira celle de son père. Il a pardonné. Ouf, l'espoir est permis.