140
6.7
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Jeu de Jeppe Carlsen et Carlsen Games (2013PC)

Lorsque le lead designer du terrifiant Limbo, Jeppe Carlsen du studio Playdead, alloue son temps libre à d’autres choses, il décide d’élaborer un petit jeu de plate-formes basé sur le rythme du son, 140, inspiré par des classiques des années 80, comme Mega Man et de titres plus récents (BIT.TRIP.RUNNER). Le résultat ? Un concept minimaliste au design abstrait dopé sous musique électro, primé lauréat de l’excellence audio au Festival du Jeu Indépendant (Independant Games Festival, IGF) de San Francisco en 2013.

Dès le lancement, l’inscription numérique se colle sur l’écran, la bande-son s’active intensément et fait permuter les visualisations colorées sur l’arrière-plan. A l’aide d’une musique électro composée par Jakob Schmid, aussi employé chez Playdead, Jeppe Carlsen met en symbiose trois éléments : l’environnement, le son et le joueur lui-même.

Une fois le bouton d’action pressé, les trois chiffres (associés au tempo) fusionnent ensemble afin de former le protagoniste : un carré qui se meut en rond lors de mouvements ou en triangle à chaque bond effectué. La progression en side-scrolling s’applique intuitivement : sans être dirigiste, 140 accompagne les premiers pas du joueur en lui présentant les obstacles à franchir. D’abord inertes, les rouages se mettent en marche à l’instant où le minuscule objet tricolore (un rond bicolore cerclé de blanc ou de noir) a été déniché puis inséré dans le demi-cercle. S’ensuit une session rythmique où il faut associer la tonalité musicale et le parcours à réaliser : l’extension d’un loop annonce le déplacement d’éléments, les percussions font disparaître des accès, le bruit parasité symbolise le danger.

Par ce travail didactique, le pari du design épuré offre bien une richesse graphique : le parcours de chaque niveau s’enclenche avec un hochement progressif de la tête, les yeux happés par la palette flashy des couleurs… jusqu’à l’inévitable premier échec. Car 140 constitue un certain challenge : les check-points, illustrés par de fins traits monochromes sur le sol, sont légion mais justifiés par la difficulté croissante du jeu. Un faux-pas entraîne instantanément un brouillage de l’image et du son, renvoyant le héros rond au point précédent. Prudence, cependant, le rythme continue de jouer en fond, ce qui implique au joueur de garder en mémoire le déplacement des plate-formes, au risque de se vautrer encore plus vite sur le même saut.

En fin de parcours, un boss cherchera à vous faire la peau en broyant votre envoûtement musical. Si les deux premiers restent abordables, le dernier boss, plus long que ses prédécesseurs, s’avère être une purge. Toute notion de rythme acquise jusqu’ici sera votre meilleur atout : une faute et c’est un arrachage de cheveux intense garanti.

La durée de vie de 140 n’exploitera pas toute votre soirée : comptez deux heures environ pour boucler les trois niveaux. Néanmoins, les plus déterminés ont la possibilité d’enchaîner sur les niveaux miroirs dans lesquels il faut terminer une section plus un boss sans aucun check-point (ne pulvérisez pas votre manette ou votre clavier). La rejouabilité demeure grâce à la réalisation sonore de très bonne qualité, à la manière d’une fonction repeat sur les lecteurs média.

C’est ce qui rend le titre de Jeppe Carlsen aussi passionnant. La symbiose des trois éléments (environnement, son, gameplay) démontre un angle intéressant sur l’implication du joueur sur tous les plans. En négligeant un seul aspect, ce dernier se plante. En le respectant, il se surpasse et se réjouit d’avoir réussi l’expérience. Par ailleurs, l’aspect minimaliste et le type de jeu (de la plate-forme basique) supposent un traitement nostalgique vis-à-vis du jeu vidéo d’aujourd’hui. Actuellement, la sphère indépendante se calque régulièrement sur le rétro (aspect 8-bit, 16-bits, difficulté accrue face aux jeux actuels). Ici, Carlsen fait appel à la génération Atari des années 80 où l’abstrait régnait et le joueur devait rassembler toute son imagination afin de donner vie à ce qui se trame sur son écran.

Par le biais d’un travail approfondi, le propos de Jeppe Carlsen se mue en un jeu bref, mais absolument prenant. 140 aurait effectivement pu être conçu comme sur une cartouche pour console Atari 2600, la ressemblance est volontaire. Son prix très abordable (4,99$ sur le site officiel, avec clé Steam et version sans aucun DRM restrictif) et son accessibilité sur divers systèmes d'exploitation (Windows, Mac et Linux) vous permettront de profiter de cette expérience fantastique dans un monde aux antipodes des graphismes estampillés HD 1080p. A écouter et jouer de toute urgence !
Slade
8
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le 2 juin 2014

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Slade

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