My Little Deuce Coupe

Je table sur l'été 90. Nous étions en vacances sur la Côte d'Azur. Nous devions nous arrêter sur Cannes. Dans l'hôtel qui donnait sur la plage où nous étions descendus, un bar / restaurant typique et son unique borne d'arcade jouxte un vieux baby foot. Un baquet rouge vif, un volent et un jeu de voiture sur l'écran comme je n'en avais jamais vu de ma vie : Out Run. J'ose à peine m'approcher, je regarde d'abord les joueurs de loin, depuis ma table où je m'envoie quelques frites. Je finis par quémander une pièce à papa et je m'installe dans le siège trop grand pour moi. C'est la première fois que je touche à un jeu AM2. Le couple au volant de sa Testarossa (my personal favorite), la variété des décors et des éléments qui peuplent les bas-côtés, la conduite cheveux au vent, les tonneaux lorsque je loupe un virage ! La claque est transversale, monumentale. Je suis instantanément traumatisé par la qualité des graphismes et de la musique d'Hiroshi Kawaguchi (je reconnais toujours son Splash Wave dès les premières notes). Rapidement, je n'ai plus qu'une idée en tête : jouer à Out Run chez moi et autant de fois que possible.

A l'époque, c'est d'abord Road Racer sur NES qui fait office de remplaçant faute de mieux. J'y passe des heures et des heures. Le jeu permet d'opter pour une pseudo Ferrari (pas décapotable ceci dit) et les décors sont désespérément vides mais qu'importe. En réalité, il me faudra attendre la Megadrive pour que je pose mes mains sur Out Run bien au chaud à la maison. Le portage est décevant - ce qui ne m'empêchera pas de saigner le jeu dans tous les sens.

Le hasard fait parfois bien les choses. Il est 2h du matin, je suis sur Twitter. Je lis que Sega annonce l'adaptation de Streets Of Rage II sur 3DS via le studio M2 dont les portages seraient visiblement très soignés. Pardonnez-moi ? Un tour rapide sur Nintendo Life me montre le listing des jeux déjà portés. Évidemment : Out Run y figure pour la modique somme de 5 euros. Instant buy.

1990-2015 : c'est le temps qu'il aura fallu pour avoir dans les mains, chez soit, le meilleur portage du classique de Yu Suzuki. Oui : il n'y a plus de volent, plus de baquet à retour de force et le généreux CRT a disparu. Mais comment faire la fine bouche ? Visuellement, tout est là, intact et à 60 images par seconde ! Out Run a été adapté à l'écran "large" de la console et plus impressionnant encore est le soin apporté à l'utilisation de la 3D : elle offre une vraie profondeur et s'accorde si parfaitement avec les perspectives fuyantes et les "aplats" de décors. Putain, c'est émouvant. Je m'étonne de la beauté des sprites qui se succèdent et défilent à toute vitesse. Comme le jeu vieillit bien et même tellement mieux que certains racers 3D de l'ère Playstation ! Je suis frappé par l'ingéniosité et l'efficacité du rendu de la vitesse, du relief et même des tunnels.

Les parties s'enchaînent comme à l'époque. On apprend les tracés par cœur, on sert les fesses à l'ascension d'une côte qui bloque toute visibilité ou à l'annonce d'une chicane. La jouabilité est parfaite. Mieux : le jeu propose des tas de goodies. Évidemment, la bande son d'origine a été transposée intacte avec l'ajout de deux nouveaux titres composés spécialement pour cette ressortie (on apprécie l'effort mais je ne les écouterai probablement jamais). A mesure que l'on joue, on réalise finalement à quel point la 3DS pourrait bien être la machine parfaite pour recevoir la superior version d'Out Run : comme en arcade, on y joue ponctuellement, plusieurs fois et par petites touches, la majorité du temps à l'extérieur (sic) ! A dire vrai, ce portage est un véritable travail d'orfèvres dont le seul point noir est finalement l'absence de la licence Ferrari non reconduite pour l'occasion : à la manière de Road Racer, c'est une imitation - cette fois décapotée - qu'il faudra maintenant conduire.