Critique de la version 1.8 ; dernière en date.
Arcane Dimensions est bien plus qu’une simple compilation de maps de la communauté de Quake. Ce qui a d’abord commencé en 2015 comme un simple mod de petite envergure est devenu au fil des ans un ambitieux projet réunissant une petite communauté de passionnés.
A sa sortie, Quake fut une révolution dans le milieu encore naissant du First Person Shooter. En tant que premier jeu du genre à être intégralement en 3D polygonale, il a ouvert la voie à tout un horizon de possibilités inexplorées. Pouvoir superposer les salles introduisit pour la première fois une vraie verticalité dans le level-design. Avec les limites du moteur de DOOM enfin repoussées, les niveaux auraient du logiquement augmenter considérablement en taille et en complexité. Pourtant, la réalité est un peu plus compliquée. Vouloir afficher un grand nombre de polygones à un prix, et les limitations techniques de l’époque ont forcé l’équipe de développement de Quake à redoubler d’ingéniosité pour s’adapter aux contraintes. Là où DOOM II ou encore Heretic avaient fait progresser la formule du premier DOOM vers des cartes toujours plus vastes, longues et labyrinthiques ; Quake débarque avec ses cartes courtes et exiguës mais plus intense, et surtout tridimensionnelles. Bien que plus évolué, le Quake engine avait encore quelques inconvénients face à la technologie vieillissante de l’Id Tech 1, qui pouvait par exemple afficher un bien plus grand nombre d’entités en simultané.
Ce sont ces restrictions que l’équipe d’Arcane Dimensions à fait exploser d’un grand coup de shotgun à bout portant, emmenant un Quake libéré de ses chaînes vers une toute nouvelle strate.
Pour pouvoir repousser les limites, le mod nécessite d’être lancé via un source port pour fonctionner, il n’est donc pas compatible avec la version originale de Quake. Pour ma part je l’ai fais tourner avec Quakespasm, mais le choix peut se faire en fonction des préférences de chacun.
Tout commence avec un hub. Des portails sont disséminés un peu partout, chacun mène vers un niveau parmi la trentaine qui composent ce mod, pensé pour être parcouru librement, laissant au joueur le soin de choisir l’ordre de complétion des niveaux. Chacun de ces portails est construit de façon à donner un échantillon de ce qui se trouve de l’autre côté. Nous voici donc à la croisée des dimensions. Et le choix du mot n’est pas exagéré, car la qualité des niveaux est juste incroyable ! Chacun est construit autour d’une thématique, d’une idée originale, ce qui les rends si unique. Que ce soit le level-design, le choix des armes, le placement des ennemis, le rendu visuel et choix des assets, pénétrer dans l’un d’entre eux reviens à découvrir une vision différente de Quake, propre à chaque créateur de cartes.
Visuellement, ces derniers s’en sont donné à cœur joie. On a donc le droit à des environnements aussi variés que : les ruines d’une ville médiévale à moitié engloutie par des marécages ; un temple oriental jonché sur une montagne enneigées ; une vaste cité impériale habitée par des statues pas si immobiles ; un avant-poste militaire envahis par une horde d’araignées venimeuses ; une montagne sacrée en Grèce antique... et la liste est encore bien longue.
Certaines de ces maps reprennent uniquement les assets de base, une partie sont même des versions améliorées de celles de Quake, mais un grand nombre introduisent de toutes nouvelles textures, modèles skybox ou effets de lumières, pour un rendu visuel toujours plus impressionnant.
Des améliorations techniques tels que des éléments destructibles sont également présentes. Il est maintenant possible de faire tomber des pans de murs, de détruire des planches ou des vitraux ouvrant le champs à de toute nouvelles possibilités.
Ce qu’il faut retenir surtout c’est la taille et la complexité de ces niveaux, qui est du jamais vu sur Quake. Le joueur peut désormais explorer de vastes labyrinthes sophistiqués, qui s’étendent sur plusieurs niveaux interconnectés, remplis de secrets et de passages dérobés. L’essentiel des maps sont construites de la sorte, même si certaines sont parfois plus courtes ou plus linéaires, elles sont toujours bâties autour d’un concept. Il existe autant de style qu’il y a de cartes disponibles, et certaines sont vraiment marquantes car elles suivent une philosophie de level-design qui peut parfois faire échos à d’autres titres bien connus. Beaucoup de joueurs penseront tout de suite aux Soulsborne comme une inspiration évidente. Notamment avec cette façon qu’ils ont de nous faire explorer un lieu en empruntant un chemin non conventionnel pour contourner des obstacles. Ainsi, la progression de The City of Zendar ne serait sans doute pas reniée par Hidetaka Miyazaki, tant elle se ressemble dans l’esprit à celle d’Anor Londo, où le joueur est forcé d’escalader les contreforts d’une cathédrale pour s’y introduire et débloquer un grand ascenseur qui barrait la route. Dans The Realm of Enceladus, on doit accéder au temple en marchant sur des chaînes reliées à la montagne, ce qui donne comme un air de DLC de Dark Souls II.
Dans la majorité des cartes, un grand nombre de raccourcis se débloquent au fur et à mesure de l’avancée et permettent de retourner facilement en arrière. La façon dont toutes les sections sont intriqués donnent vraiment l’impression d’un ensemble cohérent qui est en général aussi impressionnant architecturalement qu’un pur plaisir ludique.
Les objectifs à remplir pour atteindre la fin sont aussi très diversifiés. Même si les clés de couleurs sont évidemment de la partie, il sera souvent demandé au joueur de tuer un boss, trouver un objet pour ensuite retourner au début du niveau, désactiver une machine obscure, ou encore plein d’autres situations qui donnent à chaque mission une teinte unique. Le backtracking est très présent, et retrouver son chemin dans certaines cartes mettra le sens de l’orientation du joueur à rude épreuve, surtout s’il n’a pas pris soin de mémoriser l’emplacement des portes verrouillés.
Du côté des combats, la grande taille des cartes permet des situations un peu différentes que dans le Quake d’origine où un bonne partie des affrontements se faisaient à courte portée. Grâce aux environnements plus aérés, davantage de place est laissé pour tourner autour des ennemis et développer de nouvelles stratégies. On retrouve toujours beaucoup de pièges qui s’activent, des ennemis qui apparaissent via des scripts un peu salaud (mais on aime ça). La difficulté varie vraiment selon les cartes, mais dans l’ensemble cela ne sera pas un problème pour ceux qui ont l’habitude du jeu. Apprendre à gérer un grand nombre d’ennemis est obligatoire pour survivre aux arènes qui font souvent office de combat final et profitent de l’absence de limitations du moteur pour nous envoyer des vagues de monstres à la pelle.
Il n’est pas rare de passer au moins une heure pour atteindre la fin d’un niveau, là où dans le jeu de base la durée moyenne ne dépassait rarement les vingt minutes. Pour ceux qui souhaitent en percer tous les secrets, il faut encore compter bien plus. De part leurs grande complexités, il n’est pas rare que certaines maps dépassent la cinquantaine (!) de secrets à découvrir. Il existe même des quêtes secondaires qui, de part les informations glanées dans d’anciens tomes énigmatiques, demanderont par exemple au joueur de collecter certains objets dissimulés afin d’obtenir une récompense puissante, voir même dans certains cas de déverrouiller l’accès à un niveau bonus.
L’une des maps les plus ambitieuse de ce mod est sans doute The Forgotten Sepulcher, qui selon ses créateurs seraient 60 fois plus complexe que celles de la campagne d’origine. Cette vaste ville fortifiée et tentaculaire possède une quantité de détails tout simplement ahurissante et est surtout bourrée d’éléments destructibles. Elle représente vraiment la démesure des ambitions des créateurs de ce mod, dont Sock,qui signe un paquet de très bonnes maps.
Je retiens aussi Grendel's Blade, une forteresse construite autour d’une gigantesque épée runique plantée à la verticale depuis un sol de lave. Un chef d’oeuvre de symétrie. Ou encore Tears of the False God, d’une beauté que je pensais impossible dans Quake.
Pour aider dans cette diversité, l’équipe de moddeurs à prit soin de se coordonner pour introduire tout un lot de nouveautés. Ainsi, de nouvelles armes sont disponibles pour notre plus grand plaisir. La hache, qui était franchement inutile sauf en derniers recours est maintenant déclinée dans une nouvelle version qui permet de découper les ennemis lorsqu’ils sont au sol, donnant ainsi une nouvelle possibilité pour se débarrasser des ennemis mort-vivants. Ingénieux.
Le triple-shotgun dit « faiseur de veuves » est un nouvelle amélioration du double shotgun et en augmente considérablement la puissance de feu, et facilite les combats contre les gros sacs à PV. Il est si puissant qu’il fait permet aussi d’exploser les zombies à bout portant. Mais avec trois cartouches par tir, il faut faire attention à ses munitions.
Le fusil à plasma, qui ressemble beaucoup à celui de DOOM, et fait parti des armes à conserver en cas de pépin.
Bien que moins originales peut-être, je trouve ces nouvelles armes bien plus compatible avec l’esprit du jeu que celles de Scourge of Armaggon, pour comparer avec les extensions officielles de Quake.
Un détail à noter, mais qui à néanmoins sont importance pour les puristes, est le changement des fusils à pompe qui ne sont plus des hitscan, mais des armes à projectiles. Cela demande un petit temps d’adaptation surtout pour les tirs à longue portées. Il est d’ailleurs amusant que ce soit cette simple modification qui est à l’origine de la création du mod.
Plus important encore : l’introduction de nouveaux ennemis qui viennent élargir le bestiaire un peu restreint du jeu d’ID Software. Un grand nombre d’entre eux sont des variations des ennemis existants, et je trouve que c’est très intelligent d’avoir fait ce choix pour pouvoir diversifier les affrontements sans risquer trop déséquilibrages. Certains ne sont que de simples skins, mais une pléthore de nouveaux monstres sont également de la partie. On compte, entre autres : des gargouilles, des minotaures géants, des magiciens, des horreurs lovecraftienne (pas trouvé mieux pour les décrire), des golems, des soldats sur des plateformes volantes, des drones, des cyborgs, … il y à même des boss. Et les apparitions de ces adversaires inédits sont souvent un bon moment de surprise.
En définitif, Arcane Dimensions ressemble toujours à Quake, mais possède une saveur différente. C’est sans aucun doute un mod incontournable pour tous les adorateurs de Quake qui veulent voir le jeu passer à un stade supérieur. A condition qu’ils aiment se perdre dans d’immense dédales inextricables, parcourir les différentes cartes devrait s’avérer être un grand moment de pur plaisir vidéoludique. Les plus complétistes découvriront rapidement l’existence d’un second hub, puis d’un portail caché qui nécessite de réunir quatre runes disséminés dans certains niveaux... Qui sait quels secrets Arcane Dimensions renferme encore ...?