Le jour que j'attendais tant est enfin arrivé ! Le retour du vrai survival-horror est là.
Signalis est une rareté comme seule des développeurs indépendants peuvent encore en faire. Il va a contre-courant de toutes les tendances actuelles de l'horreur pour puiser directement dans les racines du genre et créer une œuvre à l'identité unique. Tout est là, tout ce qui selon moi n'était pas qu'un ensemble de mécaniques désuètes dont il fallait se délaisser, mais une condition pour qu'un jeu d'horreur nous prenne vraiment aux tripes, nous absorbe ; mais aussi pour qu'il soit tout simplement… un bon jeu.
On retrouve donc les mécaniques de survival des Resident Evil, qui placent le joueur en position de faiblesse et à lui font se sentir dans un état de danger permanent. Les consommables en quantité limitée (soins et munitions) obligent à aborder chaque situation avec prudence. De même que le choix d'un inventaire restreint à 6 cases (plutôt controversé au vu des retours de certains joueurs) n'est pas là uniquement pour faire un clin d’œil au passé, mais est une composante essentielle de l'aspect "gestion des ressources". C'est à partir des salles de sauvegardes, ces rares havres de paix dans lesquels on trouve des coffres pour stocker ses objets, que l'on doit planifier ses déplacements, en étudiant la carte pour trouver le meilleur chemin. Cela va de pair avec un level-design bien pensé qui permet d'utiliser plusieurs embranchements, avec parfois des raccourcis à sens unique. On a donc un backtracking intelligent qui récompense le joueur le plus attentif, celui qui retiendra l'agencement des lieux et réutilisera cette connaissance à son avantage. Apparaissent également des évènements scriptés, des imprévus qui viennent pimenter l'expérience et nous force à réévaluer nos plans. Le retour d'une mécanique géniale issue du remake de RE1, à savoir les ennemis qui ressuscitent après un certain laps temps, rajoute encore une couche de complexité et de tension à l'ensemble : les objets permettant de se débarrasser définitivement des cadavres étant très rares. C'est exactement ce que doit être un bon survival-horror : un jeu dans lequel il faut sans cesse évaluer le risque, peser le pour et le contre avant d'agir.
À condition de pouvoir garder la tête froide... Car des Silent Hill, Signalis hérite d'une atmosphère étrange et oppressante. Ce n'est pas un jeu qui cherchera forcément à nous terroriser, mais plutôt à installer progressivement un sentiment de menace et de solitude. Il joue avec nos sens, brouille les pistes et crée la confusion entre rêve et réalité. Il donne aussi cette impression d'avancer vers l'inconnu, de perdre prise face au cours des évènements. De part ses thématiques et son intrigue, on peut tout à fait le classer dans la catégorie des jeux d'horreur psychologique. La motivation du personnage principale est assez proche de ceux de Silent Hill : la recherche d'un être aimé.
Signalis ne renie pas l’affiliation du genre à celui du jeu d'aventure. Il possède son lot d'énigmes qui demanderont de la réflexion et de la patience pour être résolus. C'est un vrai plaisir mental que de voir un jeu qui demande enfin de nous servir de notre tête. Ça change des puzzles banals dont les jeux modernes sont remplis, de peur de décourager le joueur trop paresseux pour mettre son cerveau à la tâche.
Tout est là pour faire un authentique survival-horror. Et pourtant Signalis va beaucoup plus loin que le simple hommage maladroit auquel j'étais désormais résolu après toute ces années. Les développeurs ont une parfaite compréhension du game-design des survival-horror et se permettent d'enrichir la formule avec des idées originales et des emprunts étonnants. Le premier Metal Gear Solid est une référence évidente sur plein d'aspects. Outre les références visuelles et les clin d’œils, on retrouve cette vue isométrique qui, même si elle rend l'immersion moins organique, va permettre d'introduire des mécaniques d'infiltration solides. Dans la plupart des survival-horror il est conseillé d'éviter les affrontements plutôt que de foncer dans le tas. Grâce à une prise en compte de l'intensité du son et de la lumière, Signalis permet vraiment de se cacher et de contourner les ennemis comme le ferait un Solid Snake.
Parmi les originalités notables : les fréquences radios, dont l'utilisation sera varié, ou encore les passages de transition à la 1ère personne, qui crées des ruptures dans la narration.
Signalis est un jeu découpé en plusieurs chapitres, qui renouvelle à chaque fois sa proposition d'une façon surprenante. C'est un jeu qui déroute, qui ne cesse de déjouer les attentes. C'est aussi une constante dans sa narration très cryptique, qui laissera au joueur le soin de recoller les morceaux et d'interpréter le sens des évènements. J'ai trouvé le lore de ce jeu fascinant, une sorte de mélange d'inspirations SF et cyberpunk qui va de Ghost in the Shell à Blame! en passant aussi par du Lovecraft et plein d'autres choses, sans qu'on tombe dans la référence paresseuse et facile. Les personnages style manga/anime, pour le coup, ont une vraie cohérence et apportent un contraste intéressant avec l'univers sombre et décrépis.
En tant que joueur constamment à la recherche de l'esprit original du survival-horror, Signalis m'a apporté une satisfaction au-delà de mes attentes.. C'est comme une quête qui s'achève pour moi. J'espère maintenant, au vu de la très bonne réception du jeu auprès du public et de la presse spécialisée, que d'autres suivront dans cette démarche, expérimenteront de nouvelles choses et feront un évoluer un genre qui à tout à fait sa place dans le paysage vidéoludique actuel.
Un classique en devenir.