Et voilà. Enfin, déjà. Signalis bouclé en un peu plus de douze petites heures, soit la durée standard d'un Survival Horror de la belle époque.
...ce qu'il est et revendique d'être, du reste, avec son esthétique PS1 maîtrisée (à la croisée des chemins - jumeaux - entre Blame! et Knights of Sydonia), son inventaire limité jusqu'à l'intransigeance (savoir correctement gérer ces six petits slots vite remplis fait partie intégrante de l'expérience, et poussera votre patience dans ses plus intimes retranchements), ses munitions et soins limités, son absence d'autosave, sa caméra fixe, ses énigmes qui ne vous prennent pas par la main (mais n'attendent pas non plus de vous que vous sortiez major de votre promo à Polytechnique - même si ceux qui accèderont à la fin bonus sans recourir à une soluce pourront être engagés d'office à la sécurité intérieure), et même ses déplacements qu'il est possible de paramétrer "à l'ancienne" (ce qui est déconseillé sur console, toutefois).
Ne manquent que les changements d'angle de caméras pour vraiment rendre l'effroi palpable et taper sur les nerfs ; et c'est peut-être le seul point (accessoire, pourtant, ici) qui sépare ce titre inattendu du chef d'oeuvre à contretemps.
Entre ses lignes de code, on retrouve du Resident Evil et du Silent Hill premiers du nom dans les sensations de jeu, ou l'ambiance sonore, mais méticuleusement transposé dans un univers dystopique oscillant entre hard SF et cyberpunk, porté par un récit cryptique dans la plus pure tradition du genre. Complexe, riche, fascinant, parfaitement équilibré puisqu'il livre ses grandes lignes sans trop d'efforts, mais vous remuera longuement les méninges si vous essayez de remettre les détails dans le bon ordre, si tant est qu'il y en ait un.
Un vaisseau spatial à l'abandon, un réveil abrupt, une planète hostile, une station souterraine abandonnée, le Roi en Jaune... le décor est vite planté. A peine la manette en main qu'on ne peut plus la lâcher.
Six (ou huit ?) ans de travail ont été nécessaires aux deux (!) développeurs allemands pour mener leur projet à bien, mais "totally worth it", comme disaient les jeunes devenus vieux depuis : quel sacré foutu boulot, quelle passion, quelle efficacité, quelle générosité, quel accomplissement !
Le public éclairé y trouvera également des références directes, scénaristiques ou visuelles, à Lovecraft, Ghost in the Shell, Bakemonogatari, Akira, Evangelion, Silent Hill (toujours), Echo Night Beyond, le Triangle de Christopher Smith... sans que celles-ci ne viennent parasiter le tout à la façon d'un Ready Player One, ni ne privent l'aventure de son identité.
Et si ses premiers temps paraissent presque trop accessibles, trop gamer friendly (même s'ils sont paradoxalement les seuls à distiller un commencement de peur, la faute à cette caméra en vue de dessus antidramatique), l'intensité grimpe crescendo et transforme le dernier chapitre en un monument de tension nerveuse, alors que les ennemis se multiplient et que les munitions se raréfient, de même que les capsules de soin, transformant ce finale en baroud d'honneur dont on ressort éreinté, libéré, voire fier, et par lequel le jeu tient (à l'instar de son héroïne, avec de la chance) sa belle et inaliénable Promesse.
Incontournable pour les amateurs du genre.
Parfait pour ceux qui veulent s'y initier.
Un tour de force.