Finding Teddy, c'est un petit jeu mobile français et indépendant qui a pas mal fait parler de lui à sa sortie, en 2013 : prenant la forme d'un point & click placé dans un univers mignon, il était doté d'énigmes sympathiques, d'un pixel art et d'une bande son inspirés qui compensaient ses faiblesses de game design, pourtant parfois aberrantes. Deux ans plus tard, le studio Look At My Games lance Finding Teddy II, un jeu qui n'a pas grand chose à voir avec son prédécesseur, si ce n'est son nom.
Finding Teddy II est un metroidvania, ni plus ni moins. Et entre le point & click imparfait mais réussi et le metroidvania maîtrisé, il y a un gouffre tout ce qu'il y a de plus grand à franchir. Finding Teddy II ne l'a pour moi pas franchi, c'est plus que certain. Mais avant même de parler de le franchir, la question que je me pose est autrement plus problématique : a-t-il seulement essayé de sauter au-dessus du trou ? Car avec FT2, j'ai eu l'impression de jouer à un jeu symptomatique de tout ce qu'on peut reprocher au jeu indépendant actuel, et de tout ce que les gens lui reprochent de manière générale.
Prenons les éléments un par un. La direction artistique tout d'abord, manque selon moi de finition. Le pixel art du premier était beau, et certains tableaux étaient vraiment splendides. Ici, si certains décors sont vraiment jolis (http://i.imgur.com/YLLdrxg.jpg), d'autres me semblent beaucoup plus lisses et moins inspirés (http://i.imgur.com/qoHwA5d.jpg). Globalement, le pixel art est assez joli, mais il manque une cohérence et un cachet à la DA pour ancrer le jeu dans un univers visuellement beau et cohérent. Concernant les environnements, ils sont très classiques (forêt, marais, montagne enneigée, volcan) mais permettent une diversité qui s'appréciera plus ou moins selon les niveaux.
L'OST est elle plutôt bonne, mais souffre selon moi du même soucis d'inspiration que pour la DA. On est dans de la chiptune sympathique mais pas ouf, qui sert néanmoins très bien le jeu. Le vrai problème, c'est qu'il y a un thème par niveau... et que les niveaux sont énormes ! Alors pour peu que la musique soit un peu répétitive, comme dans la montagne enneigée, on en viendra vite à avoir une furieuse envie de couper le son. Là aussi, il manque quelque chose qui donnerait corps à l'univers musicalement parlant. Quand on voit Rayman Origins par exemple (cas extrême mais pertinent), chaque monde possède une patte visuelle et sonore unique et reconnaissable entre toutes et au-delà même du jeu. Artistiquement, qu'est-ce qui fait ressortir Finding Teddy 2 de la masse de jeu indé en pixel art arrivant chaque jour sur Steam ? Pas grand chose malheureusement.
Le background de l'aventure était lui parti pour être plus fouillé, avec une introduction relativement longue, mais c'est bien tout ce qu'on aura jamais dans le jeu. Teddy n'existe pas, de même que Tarant ou même le personnage principal. Seuls les quelques autochtones rencontrés donnent vie à l'univers. Ces personnages sont d'ailleurs une vraie bonne idée, certains étant vraiment tout mignons. C'est en les voyant qu'on se rend compte d'à quel point FT2 est passé à côté de quelque chose.
Côté gameplay et metroidvania maintenant... c'est finalement très classique. Efficace certes, mais classique. La bonne idée est l'utilisation du Musicom, un instrument de musique qui permet via certaines notes de déclencher certains événements. Comme dans FT1, la limite du Musicom vient dès qu'il s'agit de reconnaître des notes : quand il y en a deux ça va, mais vers la fin quand il en faut six fuck hein, c'est pas fun du tout, surtout qu'il faut manuellement virer la musique et les bruitages pour juste entendre les sons à reconnaître.
Les combats sont eux relativement pompés sur Shovel Knight (qui les avait peut-être pompés ailleurs, mais la vie et les combats contre les boucliers étant strictement identique je parierais bien sur SK), mais avec une allonge moisie. De frustrant au départ, le gameplay finit par devenir assez cool lorsqu'on obtient le double saut et le wall jump. On se base alors plutôt sur des attaques aériennes, et c'est franchement fun à jouer (bien qu'un peu moins bon que dans SK). Le gameplay est donc relativement agréable, si on excepte l'allonge pathétique du couteau. Le soucis se situe encore une fois dans les innovation de gameplay, ou même simplement dans l'appropriation de mécaniques intéressantes : à part lors des Boss (mais pas tous), dont certains sont vraiment sympas (mais pas tous), on reste sur du très basique.
Niveau level design, le jeu se débrouille pas mal du tout, mais il loupe une grosse marche en décidant de ne pas proposer de carte : les niveaux étant très grands, ça finit par poser problème. Bon, lorsqu'on les parcourt pour la première fois, ça va on s'en sort sans soucis si on a une bonne mémoire spatiale. Mais quand deux niveaux plus tard on te redemande d'aller chercher un objet dans la forêt, et que tu sais qu'il va être derrière telle porte, que tu peux désormais ouvrir (tu pouvais pas avant), mais que tu as aucune idée de là où elle est, et que tu dois reparcourir tout le niveau pour la trouver, c'est juste chiiiant. Idem quand on a quadrillé tout un temple (le dernier en tête) et qu'on doit juste faire des A/R pour ouvrir des portes pour atteindre le Boss, le tout dans les mêmes décors et avec la même chiptune qui boucle depuis 2h. À noter aussi que le manque total d'explication et ses quelques bugs desservent pas mal le jeu : j'ai ainsi économisé toute ma partie pour m'offrir un pendentif araignée à 3000 boules, et une fois en poche impossible de découvrir son utilité. Par contre j'ai découvert un glitch énorme ensuite, et je pensais qu'il était déclenché par l'objet. Sauf qu'il finissait par faire crasher le jeu. Le bug est donc resté bug, et le pendentif mystère.
Mais alors, comment FT2 aurait-il pu sortir de sa condition de "simple jeu indé 2D en pixel art" ? Tout d'abord en développant son univers, avec comme dit plus haut les autochtones. L'univers du jeu est vraiment lambda, et s'il l'avait moins été alors le classicisme du reste aurait été moins visible, caché. Child of Light, par exemple, est relativement classique en soi. Mais son univers est unique, et si on le conjugue à sa DA et à son OST, alors on tient bien là un jeu unique et parfaitement identifiable quoiqu'il arrive.
Avec une meilleure finition ensuite : je me suis baladé tout le jeu sans problème, celui-ci étant d'une difficulté somme toute normale, mais sur mes 13h de jeu, 3 viennent de l'affrontement avec le Boss final, qui m'aura juste fait criser, et ce pour deux raisons : la première est qu'il est long et complexe (4 phases, 4 coups pour les trois premières, genre 8 pour la dernière) alors que le jeu ne nous a pas habitué à ce niveau d'exigence (3 coups pour faire tomber des Boss, bien plus faciles en plus), créant un déséquilibre immense entre le niveau du joueur lorsqu'il arrive au Boss et le Boss en lui-même, un problème d'équilibrage qui met en exergue un cruel manque de tests. Ensuite car les attaques du Boss sont totalement aléatoires dans un certain panel de possibilités (et idem pour les manière dont il se découvre pour se faire toucher), et on pourra donc finir une phrase en 20s avec toute notre vie comme en 5 minutes à moitié mort en fonction des caprices du random. Je pardonne sans soucis les bugs pour une aussi petite équipe, mais ce genre de problèmes, c'est autrement plus ennuyeux, surtout lorsque c'est pour se taper un "The End" blanc sur fond noir en remerciement. Pas de cinématique in game, rien, t'as battu le Boss et fini le jeu, voilà. Pour un jeu dont tout le sel aurait du être l'univers, ça craint.
Finalement, si Finding Teddy II se vante sur son site officiel d'être un type de jeu "devenu trop rare de nos jours", je trouve qu'il est au contraire exactement l'inverse : des jeux indépendants bataillant pour se trouver une personnalité, copiant des concepts éculés et approuvés par d'autres sans prendre le temps d'y apposer leurs touches personnelles, ou trop peu, il y en a un paquet. Si certains y arrivent (Apotheon, exemple brillant d'appropriation du metroidvania), Finding Teddy II se trouve clairement dans l'autre catégorie. Il n'est en aucun cas mauvais, et j'ai globalement apprécié le temps que j'y ai passé. Mais il ne m'a rien procuré de plus que n'importe quel autre jeu du genre, échouant là où son prédécesseur, malgré ses imperfections, avait réussi.