Oh non, il n'est pas mort. Pas encore.
Cette adaptation de Fondation en jeu web est une vraie relique des heures de gloire des jeux par navigateur du siècle dernier. Il sentait bon l'amateurisme, que ce soit sur l'aspect esthétique, sur la présentation de manière générale (bonjour les fautes de Français) ou sur son aspect technique plus que rudimentaire.
Pourtant, les mécaniques de jeu elles-même étaient particulièrement bien foutues. S'étalent sur plusieurs missions avec des objectifs propres, le jeu vous proposait d'endosser des rôles différents et de découvrir de nouvelles possibilités au fur et à mesure. Du petit indépendant cherchant à se faire une place en conquérant des planètes, vous deveniez général et aviez pour but de stabiliser au maximum la main-mise impériale sur votre secteur, tandis qu'un marchand essayait d'amasser le plus d'or possible sur ses planètes-coffres, et qu'un fondateur tentait d'imposer le plan Seldon aux autres en attribuant lui-même tout le secteur.
Le principe de base pouvait se résumer ainsi : chaque joueur apparaissait dans un secteur comportant un nombre variable de planètes (entre quatre-vingt et cent), chaque planète pouvant produire ou non l'un des cinq types de ressources du jeu à la fin de leur cycle de production (lui aussi variable d'une planète à l'autre) et chaque joueur disposant de leaders pouvant prospecter d'autres planètes, tenter d'effectuer un putsch ou d'assassiner un leader d'un joueur adverse. Bien sûr, chaque joueur avait un temps imparti pour remplir ses objectifs (deux semaines pour les grades supérieurs, si mes souvenirs sont bons), et il fallait donc faire preuve de diplomatie et de tact pour arriver à s'accorder. Oui, parce qu'en plus, certains rôles imposaient de gérer plusieurs secteurs à la fois (de deux à... quatre !) ou fonctionnaient sur un système de concours pour les promotions.
Je peux vous dire que j'ai vu rouge. Fréquemment. Car même armé de la meilleure volonté du monde, encore fallait-il avoir la chance de tomber sur un bon secteur et sur de bons joueurs (ce qui était loin d’être la norme, même si les joueurs n'avaient pas des objectifs totalement incompatibles, ça n'empêchait pas les cons d'exister). « Tu es Marchand niveau 2 et tu as raté ta promotion à vingt lingots près ? » Oops. Rétrogradé d'office (pas de réaffectation à ce stade) en Maréchal. Bim. Deux semaines chaussé dans de vieux souliers, en espérant ne pas être à nouveau réaffecté, ou pire, rétrogradé.
En plus d’être assez frustrant (et gratifiant, par la même occasion), Fondation était un jeu plutôt lent : le cycle de production d'une planète allait de six ou huit heures à plus d'une vingtaine, et chaque ordre donné aux leaders prenait un temps conséquent (deux heures, c'était le minimum), temps que l'on ne pouvait pas se permettre de perdre lors des missions les plus difficiles. Les missions longues étaient de vrais marathons en ligne, et la tentation de me lever la nuit pour préparer mes tournées et éviter de rater des offres commerciales était grande (j'ai dû arrêter de jouer peu après, d'ailleurs). À bien y réfléchir, Fondation était mon premier vrai gouffre à énergie, bien avant World of Warcraft.
Le jeu a continué d'évoluer au fil du temps. En plus de pouvoir explorer les planètes à même le sol grâce aux leaders, il était également possible de les équiper en objets divers et variés, de leur faire visiter des tavernes à la recherche de futures recrues ou de booster la production d'une planète. Bien entendu, il fallait payer pour acquérir la monnaie virtuelle du jeu, et ça fonctionnait. En tout cas, jusqu'à ce qu'on perdre un leader, qu'on venait de bichonner pendant des mois, sur un bête événement aléatoire, avec une toute petite boîte de dialogue informant du décès, juste au cas où, pour toute forme de procès.
Fondation était un jeu difficile et ne pardonnait rien, mais c'était aussi un excellent jeu, gratifiant, forçant la communication et l'interaction entre joueurs, et avec un équilibrage somme toute réussi, malgré toutes les larmes de haine qu'il a pu me faire verser.
J'écris au passé, mais le jeu semble encore tourner aujourd'hui, dans une seconde version presque encore plus moche et moins pratique que l'originale. Je ne vous en voudrais pas si vous n'avez pas le courage d'essayer aujourd'hui.