J'étais initialement parti pour écrire une critique exhaustive de mon ressenti face au titre, mais finalement comme on se fiche pas mal de notre binette avec un jeu vendu 60€ (voire plus) en accès anticipé, sans qu'il n'y en ait la moindre mention nulle part (Harmonix a bien retenu les leçons d'EA manifestement), je me dis que moi aussi je peux me contenter du minimum syndical, alors voici une belle liste à points sur ce qui fonctionne (pour le moment) et ce qui ne fonctionne pas (encore) sur ce nouveau Rock Band :
Ce qui fonctionne (pour le moment) :
- Les nouveaux instruments sont bien finis, précis, et fonctionnent
correctement. En-dehors d'un problème de guitare qui s'éteint toute
seul sur Xbox One (on attend une mise à jour du firmware), le tout
répond bien mieux que la génération précédente. La procédure
d'auto-calibrage de la guitare est simple et fiable, pas de prise de
tête de ce côte-là et c'est tant mieux.
- Le nouveau moteur de jeu (Forge) semble bien costaud, quoique
sous-exploité pour le moment (on y reviendra). Il crache en tout cas
ses 1080p à 60fps sans sourciller et c'est déjà pratiquement
miraculeux sur Xbox One.
- Le travail sur le son est encore plus poussé que sur les précédents
épisodes et c'est toujours un bonheur sans nom. Le public est vivant,
le mixage (mettant en avant notre instrument en solo) est bien dosé,
et surtout pas mal de DLCs sonnent mieux qu'avant, grâce au nouvel
algorithme de compression, mais aussi au remastering dont beaucoup
ont bénéficié. Les joueurs de bon goût qui s'étaient payés les
classiques de Jimi et des Grateful Dead vont apprécier la différence
(et auront du mal à retourner sur Rock Band 3 après ça).
- Le nouveau "party mode" (pensé pour les sessions à plusieurs) est
vraiment bon. Chacun choisit son personnage, son instrument, et le
jeu s'occupe du reste. Concrètement on enchaîne des petits concerts
de 2 à 5 chansons (+ rappel éventuel) et au début de chaque session,
tous les joueurs ont la possibilité de choisir leur setlist en
fonction des suggestions données par le jeu. Tout est pensé afin
d'éviter le syndrome Netflix pour ceux qui ont une grosse
bibliothèque musicale ; plutôt que de naviguer à travers des
centaines de titres, le jeu en propose quatre aléatoirement (avec la
possibilité de reshuffle), et chacun choisit ce qu'il préfère. Même
si l'on aurait apprécié la possibilité d'ajouter directement à la
setlist un titre en particulier, le système fonctionne très bien pour
se 'forcer' à jouer des titres que l'on aurait zappés en temps
normal, et surtout à plusieurs il y a juste ce qu'il faut d'aléatoire
pour passer un bon moment sans se prendre la tête (voire troller le chanteur en tombant sur Megadeth alors qu'il voulait juste se
faire Wonderwall peinard).
- La tracklist de base. Oui, je sais, sur le papier elle ne fait pas
envie. Mais il faut se méfier des apparences, et garder à l'esprit
qu'au-delà des valeurs sûres, la série Rock Band a toujours été
davantage axée sur la découverte musicale. Ici à part quelques
anomalies invraisemblables (deux pistes de U2, bien nulles de
surcroît, on sent les arrangements financiers, Mumford & Sons, de
la country un peu meh sur les bords), il y en a pour tous les styles,
et surtout pour tous les niveaux. Contrairement à la tracklist de
Rock Band 3 qui ne ressemblait à rien, ici à condition d'user d'un minimum d'ouverture d'esprit il y a de quoi s'amuser sur tous
les instruments (et en tant que bassiste je revis car il y a beaucoup
de partoches vraiment fun de ce côté-là). On a même droit une fois
encore à la piste complètement craquée, avec 72 changements de
signature sonore, pour les masochistes ultimes.
- L'intérêt en multi est toujours bien présent, et primordial ici. Le
simple plaisir de monter un groupe de plastique m'a permis de me
rappeler les bons moments passés sur Rock Band 2 et d'en créer de
nouveaux au passage. Quatre péquins sur un classique d'Elvis
Presley, je peux vous dire que ça fait son effet. Fidèle à l'esprit
de la série, on reste moins dans la recherche de performance que
d'amusement, c'est pour cela que la guitare, la batterie et le chant
bénéficient de parties plus libres, où il est possible de jouer ce
que l'on souhaite tout en restant dans le ton de la chanson. C'était
déjà plus ou moins en vigueur pour la batterie et le chant
auparavant, et la guitare en bénéficie avec cet épisode par le biais
des solos freestyle. Pour faire court, c'est très marrant, il y a une
technologie impressionnante derrière, et pour les joueurs créatifs le
système propose une belle marge de manœuvre avant d'arriver à sortir
des solos qui déboîtent. Un ajout franchement rigolo à plusieurs
(surtout quand un connard viole sans vergogne Satch Boogie,
l'exact opposé de ce type en fait), activable ou désactivable à
la volée pour les joueurs préférant rester classiques. De leur côté
les bassistes en herbe n'ont malheureusement pas droit à ces petits
ajouts sympathiques, mais après tout, en jeu comme dans la vraie vie,
on ne possède que deux fonctions vitales avec une basse en main :
gueuler sur l'ingénieur du son parce qu'on ne s'entend pas, et jouer
sur le rythme.
Et maintenant, ce qui ne fonctionne pas (encore) :
- En fait, si l'aspect multijoueur du titre a été bichonné pour
proposer une expérience fun et sans prise de tête, tout le côté solo
a été bâclé. Le mode tournée est vraiment simpliste, une succession
de concerts, avec des choix qui orienteront les setlists jouées et le
nombre de fans ou d'argent récolté. On y jouera pour débloquer les
quelques fringues bonus mis à disposition, et s'acheter de nouveaux
instruments, et on l'oubliera aussitôt.
- Le mode partie rapide est limité à sa plus simple expression. On
lance une chanson, on la joue, on revient à la bibliothèque, point
barre. Aucune possibilité de créer des listes, de choisir son
personnage, sa salle de concert.
- Plus de mode entraînement ! Mais plus rien du tout hein. Maintenant
pour s'entraîner sur une piste, il faut la lancer en partie rapide,
activer le mode sans échec éventuellement, et c'est à peu près tout.
Impossible de répéter une section particulière, de changer le tempo,
bref c'est d'une nullité absolue (et c'est une omission absolument
incompréhensible, au passage).
- Pas de mode online non plus. Parce que jouer seul devant sa console,
c'est pour les losers, ceux qui ne peuvent avoir des amis sous la
main et/ou les instruments pour aller avec sont condamnés à rester
dans leur crasse solitude.
- Les leaderboards ne ressemblent à rien. Avec tant de modes et
d'options différents (freestyle/pas freestyle), Harmonix est parti
sur la sage décision... de les rendre inutiles. Comme ça pas de
jaloux. Les joueurs solo qui ne vivaient que pour les étoiles d'or,
les full charts et les scores élevés ont de quoi faire la tronche.
- La personnalisation est... limitée, pour ainsi dire. Plus de réglage
de taille/corpulence, dans Rock Band 4 les personnages sont
fabriqués dans le même moule. Choix du visage, de la coiffure, de la
couleur de peau, un haut, un bas (chaussures et pantalons sont
désormais dépendants), un accessoire, et c'est marre. Quand on a
connu les possibilités de personnalisation de Rock Band 3, ça
fait mal au derche. Surtout que le choix en matière d'instruments et
de vêtements est très limité, on espère des futurs ajouts pour régler
ça (et de préférence non payants, mais ça pue), car pour le moment
difficile de ne pas créer des personnages qui se ressemblent
beaucoup. C'est aussi valable pour le groupe, puisque pour l'instant
impossible d'attribuer des remplaçants créés par nos soins.
- Les salles de concert sont en trop faible nombre, et la mise en scène
a tendance à se répéter encore davantage que dans les précédents
épisodes. Certes, l'ambiance est toujours là (il suffit d'écouter le
public chanter en chœur sur Short Skirt/Long Jacket pour s'en
rendre compte), on s'est adaptés à la modernité en remplaçant les
briquets par des smartphones, mais globalement les lieux visités
restent plan-plan, et l'ensemble manque de ce petit grain de folie
qui caractérisait les précédents itérations. On attendra les futurs
DLCs en espérant des petits ajouts sympathique de ce côté-là ; par
exemple le filtre graphique et le chant du batteur sur Clint
Eastwood ont disparu et c'est bien dommage, car ce genre de petit
détail insufflait énormément de vie aux concerts.
- Le bazar concernant les DLCs est toujours d'actualité. Tout ce que
l'on a acheté par le passé n'est pas encore disponible, on attend
encore les packs d'exports pour les pistes de disque, mais surtout il
faut télécharger les pistes une par une, sans possibilité
d'automatiser la manœuvre ! Méga-teuf quand on a acheté des
centaines de pistes au fil des années. Bon, tous ces petits soucis seront
(sans doute) réglés à terme, mais on aurait apprécié un lancement
irréprochable de ce côté-là.
Bref, le meilleur moyen d'aborder le cas Rock Band 4, c'est d'envisager la tournée de réunion d'un groupe mythique. On repense aux bons souvenirs et l'on s'imagine un concert qui sera dantesque, et une fois arrivés dans la salle on nous met face à cinq grabataires qui se contentent d'enchaîner les titres tout perraves de leur dernier album et se cassent sans même un rappel. Et bien là c'est pareil, beaucoup d'attentes (et finalement assez peu de promesses) pour un jeu qui arrive à moitié démoulé. On comprend la volonté d'Harmonix de relancer leur série sur une base saine, mais dans le cas présent beaucoup trop de coupes donnent l'impression d'un titre sorti à la va-vite histoire de profiter du nouvel élan des jeux musicaux et ne pas se laisser bouffer des parts de marché par Activision. Le joueur, lui, est perdant dans l'histoire, puisqu'après s'être acquitté du tarif d'entrée, on lui demandera d'attendre bien gentiment que le jeu s'améliore de lui-même, sur la foi de multiples mises à jours dans les mois à venir. On peut espérer que ce soit effectivement le cas, et que d'ici quelques mois justement le jeu propose un contenu à la hauteur de ce à quoi la série nous avait habitués par le passé, mais à l'heure actuelle difficile d'en être certains tant la communication des développeurs reste floue sur le sujet.
Une note un peu sanction donc, surtout venant de la part d'un fan de la première heure, mais n'allez pas croire que Rock Band 4 n'en vaille pas la peine pour autant. A plusieurs, le plaisir est resté intact, ici amélioré par une interface sans chichi permettant de se lancer rapidement dans l'action, et par une qualité sonore toujours optimale. En solo c'est un peu moins évident, et je comprends les joueurs énervés à ce sujet. Pour ma part je m'amuse aussi bien seul qu'à plusieurs sur ce jeu, pour des raisons différentes ceci dit. En solo, j'apprécie toujours autant le côté curatif qu'Harmonix injecte au titre par l'intermédiaire des DLCs, et au-delà de la chasse au score je joue surtout pour m'amuser sur des pistes que je ne connaissais pas forcément auparavant. Découvrir une partition de basse vraiment marrante sur un morceau tel que Birth in Reverse ou essayer de suivre Rick Derringer sur ses HOPOs de l'enfer s'avère toujours étrangement satisfaisant, mais les joueurs cherchant une expérience plus directe, plus gratifiante (tant en matière de chasse au score que de trucs à débloquer), se sentiront vraisemblablement lésés. Tout dépend de ce que vous attendez du jeu en fait, et de ce que vous êtes prêts à tolérer en attendant que Rock Band 4 ressemble enfin à l'épisode définitif et incontournable qu'il était censé être au départ. On pourra y repenser dans un an et en rigoler, peut-être que d'ici-là la fièvre sera descendue et les jeux musicaux retombés dans l'oubli, difficile d'en juger à l'heure actuelle. Reste qu'en choisissant de rester sur un classicisme inébranlable, on pouvait a minima attendre d'Harmonix un titre carré et bien fignolé, et de ce côté-là les musicos de Cambridge me semblent lancés sur un pari risqué.