Relaxation
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Abzû est souvent considéré comme le pendant subaquatique du très arénacé Journey. Et effectivement, à première vue, les deux jeux partagent une certaine gémellité : un protagoniste très abstrait, un visuel versant dans le contemplatif, une histoire qui se dévoile au fur et à mesure par le biais de gigantesques fresques murales… Ça n’a rien de foncièrement étonnant, sachant qu’une partie des développeurs du jeu sont des transfuges du studio thatgamecompany, notamment le creative director… Même les compos du jeu sont dues au même artiste (Austin Wintory). Il suffit pourtant d’une petite demie-heure de jeu pour se rendre compte qu’ils partagent également de nombreuses différences…au "détriment" (selon moi) de ce "pauvre" Abzû…
La première se fait au niveau de l’histoire : là où Journey nous proposait un trip mystique sujet à interprétations diverses et variées (parcours initiatique? métaphore de la vie? boucle temporelle?), Abzû nous impose un message simpliste et manichéen à base de la nature c’est bien (ce qui est vrai!) mais la technologie c’est mal (ça, ça l’est beaucoup moins). On a d’un côté les magnifiques et lumineux paysages sous-marins grouillant de vie, et de l’autre les méchantes pyramides illuminati rougeâtres (probablement nazies, racistes et carnistes) explosives, faîtes de tôles et d’acier, et terrées nonchalamment dans les plus profonds abysses…
Sérieux les gars, vous êtes partis d’un mythe bien réel (bizarre cette locution…) avec l’abzû, qui est un fleuve d’eau douce dans la mythologie sumérienne, pour finalement en faire une fable écolo-bobo à deux balles… On ne le dira jamais assez : le danger, ce n’est pas la technologie, c’est celui qui s’en sert n’importe comment (comme, au hasard, nos gentils gouvernants). Tu files une perceuse à un mec normal, il va te poser une étagère ; tu files la même perceuse à un putain de cinglé, il devient potentiellement un tueur en série… ‘fin bref.
C’est surtout au niveau du game design que les jeux se distinguent le plus. En fait, ils utilisent un gameplay peu ou prou similaire, mais pour un propos ludique complètement différent. Ou alors les gars ne comprennent plus du tout leur propre grammaire vidéoludique, ce qui serait inquiétant… Prenons l’espèce d’onde de choc par exemple : dans Journey, celle-ci sert à résoudre des puzzles, ou à régénérer notre endurance (limitée par la taille de notre écharpe) en activant à la volée les bouts de tissu disséminés ici et là. Dans une moindre mesure, elle sert également à communiquer sommairement avec un joueur rencontré aléatoirement au cours du périple. Dans Abzû, la même action…sert à ouvrir des portes et intéragir avec la faune et flore environnante. Et c’est tout. Contrairement à son prédécesseur, le gameplay ne sert pas le scénario, il se contente juste de l’accompagner, de tableaux en tableaux, telle une bonne vieille visite touristique…
Vous voulez une autre preuve ? Très bien… Parlons donc de la possibilité de s’accrocher ponctuellement à divers animaux marins, comme une tortue ou un requin. Alors que le jeu aurait pu mettre à contribution cette faculté de mille et une manières pour résoudre une énigme ou proposer quelques passages orientés plateforme, dans les faits, elle ne sert à rien, elle n’est qu’esthétique… Ce pourquoi messieurs-dames, j’affirme haut et fort que Abzû n’est point un Journey-like mais …roulement de tambour… un walking simulator (ou plutôt "swimming" simulator dans le cas présent) ! Vous savez, ces expériences au gameplay minimal essentiellement axées sur la contemplation "pure et dure"…
En le prenant en tant que tel (sans être victime des colibris :p), le contrat est globalement plutôt réussi (mais ça devient fatalement moins intéressant). Abzû se donne ainsi les moyens de ses ambitions en mettant le paquet sur la réalisation, avec une patte graphique assez singulière mais qui lui sied à merveille, bien aidée par un moteur de jeu optimisé aux petits oignons, qui permet d’afficher un nombre hallucinant d’éléments (les bancs de poissons!) sans jamais subir une seule saccade ! Chapeau bas les gars. Et si on ajoute à cela le très bon travail sur le son (écho, flux marins, cris des bestiaux…), qui nous ferait presque regretter de ne pas pouvoir couper la musique (quelquefois un peu à côté de la plaque) pour pouvoir en profiter pleinement, il en résulte une sensation de "nature" crédible comme rarement vue auparavant dans un jeu vidéo !
En résumé, Abzû est plus à prendre comme une expérience esthétique et sensorielle que comme un jeu à proprement parler, qui pourrait presque servir de clip promotionnel aux clubs de plongée pour attirer les quidams… C’est une ode à la beauté des fonds marins qui, avec quelques menus aménagements, serait à mon sens parfaite pour une expérience VR digne de ce nom. Mais ça n’est sûrement pas un Journey-like !
Créée
le 22 sept. 2019
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