Quand tu veux remettre ta licence sur le devant de la scène

(Test originellement publié le 4 octobre 2021 sur Gamekult.com)

Toujours dans l'attente d'un nouvel épisode depuis plus de dix ans désormais, les fans d'Alan Wake ont vécu bien des hauts et des bas avant d'accueillir de bonnes nouvelles. Pour mémoire, le titre original a d'abord eu droit à un portage PC deux ans après sa sortie initiale, avant de disparaître cinq ans plus tard des différentes boutiques numériques pour de sombres histoires de droits musicaux, et ce durant une bonne période. La licence semble désormais bénéficier d'un nouvel élan : Remedy est non seulement le détenteur principal de sa licence, et Epic Games nous aide en prime à ronger notre frein par le biais d'un Remastered du premier volet, en attendant la fin du développement de son éventuelle suite. Au menu, des améliorations techniques et essentiellement graphiques, comme son nom l'indique. Suffisant pour attirer les (nouveaux) joueurs dans les tréfonds de Bright Falls ?

Que vaut donc Alan Wake plus de dix ans après sa sortie initiale ? Rassurez-vous, on ne s'étendra pas très longtemps sur les nombreuses qualités du titre qui lui ont permis de se hisser parmi les jeux cultes de l'ère PS3-360, mais on va quand même se lancer dans un rapide tour d'horizon, histoire que tout le monde soit à la page. Vous incarnez donc Alan Wake, héros éponyme venu prendre quelques vacances avec sa femme dans une petite ville singulière du nord-ouest des États-Unis. A peine arrivés, l'épouse en détresse se fait enlever dans des conditions bien particulières, et il appartient à notre protagoniste de la retrouver aussi vite que possible. Au fil de son aventure, il aura ainsi l'occasion de rencontrer une belle brochette de personnages, mais aussi de faire face aux forces surnaturelles qui hantent Bright Falls et sa région. Le thriller psychologique puise également de nombreuses inspirations dans les classiques du cinéma et de la télévision (et ne s'en cache pas), qu'il s'agisse de The Shining ou Les Oiseaux d'Alfred Hitchcock, sans oublier les gros clins d'oeils faits à La Quatrième Dimension et Twin Peaks... Si ces mentions ne vous donnent pas déjà envie de vous (re)plonger dans l'ambiance du jeu, difficile de vous convaincre.

Ça va être tout noir

Parlons désormais de ce qui vous a invité à lire ces quelques lignes : qu'apporte donc cette version Remastered depuis la version d'origine, ou même son portage PC ? Côté rythme, peu de choses ont bougé en tout cas : il serait par exemple bon de rappeler qu'Alan Wake tire son originalité en empruntant la structure épisodique d'une série TV, avec un cliffhanger en fin d'épisode et un récapitulatif au début du suivant, une pratique plutôt rare à l'époque et qui débouche sur un rythme assez maîtrisé. Les quelques longueurs viennent des pics de difficulté, toujours présents et parfois un peu frustrants, mais aussi des grandes traversées forestières pour une structure couloir-arène-couloir bien éculée et qui montre assez vite ses limites. En effet, ce sont les sensations manette en mains qui ont le moins bien vieilli en l'espace de dix ans : celles-ci étaient déjà un poil datées à la sortie originale du jeu (sans parler de la conduite de véhicules d'une rigidité légendaire), et elles auraient vraiment gagné à bénéficier d'une remise au goût du jour au même titre que les graphismes (sur lesquels on reviendra plus tard). Néanmoins, l'arrivée de la licence sur les consoles Sony est aussi l'occasion pour d3t studio (en charge du remaster) d'utiliser discrètement et efficacement les gâchettes adaptatives comme les vibrations haptiques de la manette de la PlayStation 5, qui servent ici de bon complément au sound design percutant des armes du jeu.

Malgré tout, le charme d'Alan Wake opère toujours. Ce jeu hanté par une ambiance si singulière prend vie grâce à sa narration ennivrante et ses moments mémorables, le tout saupoudré par la magnifique bande originale de Petri Alanko. Cette version remastered était aussi l'occasion de remettre les graphismes à la page, non sans écueils : à la manière d'un Uncharted Drake's Fortune Remastered, les modèles 3D des différents personnages ont bénéficié d'un gros lifting (et heureusement, vu qu'ils étaient déjà un peu polygonaux à l'époque), mais cela a aussi impliqué de refaire les cinématiques à neuf. Cependant, on ne quitte pas l'uncanny valley lors de leur visionnage, la faute aux animations datées qui n'ont pas bougé d'un iota ; et les nouveaux modèles 3D rendent l'effet d'autant plus visible. On regrettera aussi que les cinématiques soient restées à 30 images par seconde et aient conservé un mixage sonore mono (et avec une compression un peu audible), ce qui fait tache quand on passe au mixage stéréo ou surround des phases de gameplay.

Chasse, torche et tradition

Le tableau n'est pas non plus tout à fait parfait lorsque l'on scrute d'un peu plus près les différences graphiques avec la version d'origine du jeu : certes, l'aliasing est beaucoup moins prononcé et les décors un peu plus fournis, mais les plus attentifs pourront remarquer des pops d'éléments de décor, notamment visibles dès notre arrivée en bateau à Bright Falls. C'est un peu dommage, et on mettra ça sur le dos du moteur du jeu un peu vieillissant, mais on aura un peu plus de mal à pardonner l'absence d'un mode photo, qui est pourtant souvent disponible dans les autres remasters du genre. En dehors de ces aspects, ce portage amélioré reste solide (même s'il souffre de quelques petits temps de chargements, y compris sur consoles de nouvelle génération), et les fans auront aussi du plaisir à trouver de nouveaux QR codes disséminés dans les environnements du jeu, servant de teasers pour la très probable suite du jeu. Enfin, quitte à lister les petites différences, il est aussi à noter que les placements de produits pour Energizer et Verizon ont complètement disparu, même si cela reste un regret personnel puisqu'ils permettaient aussi d'ancrer l'univers d'Alan Wake un peu plus dans le réel.

Point de vue durée de vie, si l'aventure se boucle "seulement" en une dizaine d'heures, vous pourrez toujours prolonger votre expérience avec les deux contenus additionnels (mais peu mémorables), "L'écrivain" et "Le Signal", refaire le jeu en difficulté supérieure (et y trouver de nouveaux collectibles), ou même profiter de commentaires vidéo exclusifs à cette édition Remastered. On regrettera tout de même un peu l'absence de la suite directe, Alan Wake's American Nightmare, qui avait le mérite de proposer de nouveaux environnements et d'approfondir l'univers d'Alan Wake par le biais d'une ambiance tout à fait différente de l'aventure originale. Peut-être par le biais d'un autre remaster ?

Verdict

Si cette nouvelle virée dans Bright Falls a le mérite de remettre la licence Alan Wake sur le devant de la scène et d'attirer un nouveau public en la rendant plus accessible qu'avant, les fans de longue date auront quant à eux un peu de mal à comprendre l'intérêt de débourser les 30€ demandés en caisse, si ce n'est par pur plaisir de retrouver l'ambiance singulière du jeu et d'accéder aux quelques rares contenus exclusifs. Ceux qui n'avaient pas encore franchi le pas et qui attendaient une occasion pour se lancer dans l'aventure pourront profiter d'un jeu resté dans son jus, puisque très similaire à l'expérience originale (y compris ses quelques lacunes), mais avec des graphismes adaptés aux résolutions d'aujourd'hui. La bonne nouvelle, c'est que cette édition Remastered présage très probablement l'arrivée de la suite tant attendue pour notre écrivain névrosé préféré, et permet de ronger un peu son frein en attendant son prochain roman.